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La cafetière glougloute, le parfum du café envahit la cuisine. Un instant matinal où le corps et l'esprit se restaurent. Les miasmes de la nuit s'effacent, mes poumons inspirent cet air presque printanier avec l'impression de plus grande facilité. Je beurre paisiblement mes tartines. La porte fenêtre ouverte laisse entrer le chant des oiseaux Elle est partie...reviendra-t-elle ? Je ne sais....c'était trop peut être, trop vite, trop fort. On veut toujours croire à l'évidence, au miracle, au "ça ce n'est pas pour nous".... J'ai découvert avec elle qu'on pouvait, en sus des chagrins classiques, se réveiller avec une bonne tendinite à l'épaule. Des heures à se caresser, ce n'était pas raisonnable, il suffisait pourtant de changer de bras, de place dans le lit. Mais le poids des habitudes, les restes de galanterie ont donné priorité à madame. Le plus souvent donc, je parcourais son corps avec mon "mauvais bras". Déjà que je regrettais l'impatience enfuie, le désir impérieux et un peu égoïste... Tout était plus pressé, il y avait tant de tâches à assurer. Vite au boulot, vite accueillir la baby sitter, vite au sport, vite à tout, vite aux courses, aux sorties.... Voilà...on veut profiter lentement de ce temps nouveau, laisser fleurir lentement le désir, ne plus économiser ses attentions, et on se retrouve avec l'épaule douloureuse un beau matin. Et par expérience, je sais que mes lointaines tendinites sportives ont été assez coriaces à éradiquer. Si d'aventure elle ne revenait pas...ma philosophie acquise m'adoucirait le chagrin. Par contre, cette foutue tendinite je vais en souffrir longtemps et toute ma philosophie restera impuissante à l'apaiser. Encore une découverte, un nouveau mal d'aimer.... Si elle revient, elle a intérêt à accepter et varier les places de couchage et les positions alanguies. Il y va de ma santé tout de même ! Et de mes frais médicaux....
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nous ne le savons pas encore, ni lui ni nous....la faucheuse l'a déjà dans son collimateur. il lui reste quoi, trois mois tout au plus... une jeunesse dans la ruralité qu'on appelait autrefois la campagne. La charrue attelée aux boeufs qui fendait la terre calcaire, les foins, les bêtes à nourrir, les moissons sous la fournaise du sud, les agriculteurs ignoraient les vacances, encore moins les congés payés. Les ruines d'un château comme horizon et un horizon personnel voué probablement à la terre Il était costaud et donnait de bons coups de mains quand il n'était pas au collège ou au lycée. Une instruction "chez les frères" , et une volonté de faire autre chose que de reprendre une ferme. J'aimais bien sa réserve, sa pudeur. Je respirais son intelligence, son envie de jeune homme de découvrir le monde. Son album photos révélait son parcours, sa trajectoire dans l'empire français qui vivait ses derniers soubresauts l'aide au développement nanti de ses connaissances ....avec comme cadeau l'exotisme, la chaleur, les endroits de vie improbables. Je repense à nos rares moments d'échange, et comme souvent je réalise qu'on ne profite jamais assez des personnes : encore vivantes ayant gardé leurs neurones intacts..... Les enfants et petits enfants avaient organisé une dernière fête en son honneur et celui de son épouse. Et il était temps Une rétrospective de deux vies...puis quatre la fertilité du couple aidant. L'exotisme ensoleillé puis le retour à la métropole où le climat n'incitait pas à la quasi nudité. Pour un fonctionnaire de l'époque avoir un accent prédisposait à une montée en grade plus lente. Apparemment semble-t-il car j'en connais beaucoup qui ont lissé soigneusement leur accent pour parler "pointu" Rien n'a changé, combien de journalistes aux accent chantants du sud au balcon de nos médias ? Et là sur la fin de sa vie, revisionnant les images et commentaires de cette belle fête, je l'entendis dire : "ah là là l'accent que j'ai" . incroyable, il semblait regretter de n'avoir gommé complètement cette richesse d'un terroir, d'un pays. Comme si il n'avait pas été au bout de ce que lui demandait la république. Je n'ose penser qu'il puisse en ressentir une vague honte , et pourtant.... on veut très officiellement s'enrichir avec d'autres accents, d'autres coutumes.... pourquoi pas, à condition de protéger les nôtres déjà.. Charité bien ordonnée commence par soi même. Voici aujourd'hui la poste qui veut remplacer chez nous les noms de lieux trop nombreux, trop dispersés , surtout ceux en breton bien entendu, par des "rue des roses ou des "cerisiers roses" La machine à effacer notre histoire, notre culture continue à tourner à plein régime, plus que jamais nous restons des provinces, littéralement, des pays vaincus ..... |
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8 décembre..... il s'appelait Jean claude. Déjà son prénom était un peu désuet au coeur de nos belles années collégiennes. Sacré JC de Panazol... Il avait deux ans de plus que moi, mais par le jeu du redoublement il ne me précédait que d'une classe. Il avait une barbe naissante, et ne serait guère plus grand adulte. Nous étions glabres, nos voix muaient, nous allions tous grandir... Il se sentait plus à l'aise avec des garçons de sa taille, bien que plus jeunes. JC jouait à l'ancien durant les défoulements dans la cour du "bahut" , s'inventant des histoires , des expériences, jouant avec un humour décomplexé. C'est par lui que nous avons devisé de masturbation, des poitrines naissantes des filles, des flux menstruels, des horreurs de l'accouchement, des ravages de l'acné...il se procurait des bouquins qui nous faisaient rougir et chevroter allègrement. Je réalise avec les décennies enfuies son isolement parmi ses voisins de classe. Mais nous n'étions pas encore au stade de l'échange avec nos voisines de classe, c'était trop tôt. Elles gloussaient entre elles, nous défiaient du regard, nous nous moquions d'elles, conscients de leur maturité et de nos incapacités à les approcher. Quelque part JC nous faisait gagner du temps...j'ignorais à l'époque jusqu'à quel point j'allais appuyer sur l'accélérateur... 10 décembre.... La professeure de Français était une femme épanouie, nous bavions sur ses formes suggestives, de femme affirmée . Seul bémol, elle avait un rire de crécelle quand elle plaisantait avec ses collègues. JC l'affirmait de toute sa fausse expérience : "c'est avec ce genre de femme que c'est le meilleur" Avec ce culot invraisemblable il se rengorgeait: "on voit bien que vous n'y connaissez rien" Il est vrai que croiser (brièvement) les yeux de la jolie Annie, toute timide, au sourire rare mais ravageur me troublait davantage ...Tout comme chez moi, l'avènement, chez elle, de la puberté était un peu plus lent que la moyenne. Mais comme disait JC; "il n'y a rien à bouffer là dessus"...au moins les attributs de la prof excitaient plus facilement la vie qui s'éveillait en nous. ....... J'avais de bonnes notes en Français, et quand le sujet me portait, parfois, elle lisait à haute voix mon devoir , ce qui me rendait un peu fier et un peu mal à l'aise aussi. Elle lisait très bien, évoluant entre les rangées , et une fois la lecture achevée, elle posait mon devoir devant moi . Ses yeux noisette souriaient derrière ses lunettes. Pas de commentaires, pas de "bon" devoir....jamais. mais une bonne note, ce qui était suffisant et moins gênant. JC apprenant mes notes me mit au défi: "avec les notes que tu as, tu devrais demander des cours très particuliers pour friser l'excellence" : On riait autour de nous, notre jeune testostérone faisait monter la température, on bafouillait, on chevrotait. les cours particuliers prenaient l'image d'un lupanar intime dans lequel j'étais plongé... Surtout on s'écartait des filles qui ne pouvaient comprendre ...évidemment. 12 décembre... JC enfonçait le clou: "si j'étais à ta place, ben....j'essaierais un truc" hélas pour lui, il n'y était pas et je n'osais imaginer d' essayer "un truc" sur cette femme altière et sûre d'elle. Mais comme si elle avait reçu un de mes messages subliminaux via mes regards en coin, , il se passa un "truc" . Sans doute, rien ne se serait passé sans ce geste banal. Sans doute Mon moteur intime n'aurait jamais accéléré.... Ce fut mon destin... A la suite d'un devoir particulièrement fécond , boosté par le désir d'attirer son attention, elle en fit la lecture et me gratifia exceptionnellement d'un "c'est très bien" . Elle posa mon devoir devant moi, et cherchant mon regard elle me sourit gentiment, en posant sa main sur ma nuque. Une seconde de surprise, de bonheur, de chaleur...je rougis jusqu'aux oreilles.... Ce geste sans ostentation, anodin, n'échappa pas hélas à tout le monde ...tout autant que mon trouble . Plus tard, Devant les plaisanteries inévitables je masquai au moins mal ma "gêne heureuse"... Je devins ainsi rapidement le "chouchou de la prof", avec les jalousies tout aussi inévitables... Seul JC resta discret , et me sourit en douce. A partir de cet instant, je compris qu'il me fallait choisir soigneusement un confident "sûr"....et il allait de soi qu'il restât la seule écoute fiable, du fait de sa distance avec la classe. Pour vivre heureux vivons cachés, j'allais appliquer à la lettre ce précepte , première leçon d'aspirant à l'ère adulte. 15 décembre... Sur ses conseils, je devais trouver un endroit, un moment pour échanger avec elle, ne serait ce que quelques secondes hors du "bahut"...loin du "bahut" indiscret Je trouvais logique d'emprunter la même ligne de tram qu'elle... redescendre presque à l'opposé de mon domicile , et ma foi marcher vaillamment le double qu'il aurait été nécessaire sans cette décision. les semaines passaient dans une déception relative. En effet, mes heures de fin de cours ne correspondaient pas souvent avec ses heures de sorties... A plusieurs reprises cependant, j'eus le privilège d'avoir droit à un sourire et cerise sur le gâteau, je pus parfois m'assoir à ses côtés , dans les effluves de son parfum. Je notai avec amusement une forme de complicité entre nous... Pendant les cours elle nous appelait tous par nos noms de famille...dans le tram, j'avais droit à mon prénom... Ce n'était rien, mais j'adorais ça...l'année scolaire allait toucher à sa fin, la langueur des beaux jours me rendit hardi et je lui évoquai mon désir d'écrire au delà du scolaire. Elle hocha la tête "pourquoi pas, mais il faut déjà terminer tes études et...tes notes de mathématiques sont catastrophiques." Elle fit une moue septique "Tu as pensé à te faire aider dans cette matière ?" Je bondis sur l'occasion: "vous me donneriez des cours particuliers" ? Ses yeux se plissèrent accompagnant son rire..."surtout pas je suis presque aussi nulle que toi en math, et de toute façon je ne donne pas de cours particuliers" Cette porte qui se refermait n'était insupportable...J'insistai presque suppliant: "s'il vous plait , juste revoir les bases, avec vous je suis sûr de mieux comprendre: le prof de math est archi nul et ne répond aux questions que par : mais enfin c'est enfantin" Tout cela était vrai c'était un traumatisé de l'exode algérienne, un pied noir nostalgique qui parfumait la classe et nos poumons de la fumée de ses "gitanes" Je mis dans ma requête toute la persuasion désespérée dont mes yeux et ma voix étaient capables.... Elle hésita..."il faudrait que je voie ça avec tes parents".....aie! pas bon, évidemment comment faire autrement ? 16 décembre... En marchant sur le quai st Martial, du brouhaha de mes pensées une réalité s'imposa: "elle" avait donc consulté mon dossier, elle n'était donc pas une simple référente en matière de Français....S'intéressait elle à tout le monde de la même façon ? J'en parlai dès le lendemain à JC: il se frotta les mains joyeusement. "culotté le timide ! super mon pote!" c'était bon de partager mes doutes et mes espoirs avec mon "référent" en matière de vie. Il ajouta: l'an prochain pour moi c'est le lycée . finies les récrés communes, Tu me raconteras ? Je lui promis de venir le voir ...j'ignorai qu'un chauffard allait le faucher sur un trottoir quelques mois plus tard...je ne pus que balbutier sur sa tombe mes promesses : oui je lui ai raconté... mon assurance grandissait quelque peu, et cela devait être visible pour autrui. je surpris la jolie Annie une cigarette aux lèvres. Auparavant, je ne me serais pas permis de lui adresser la parole de la sorte. je lui reprochai avec gentillesse cette "béquille de comportement, de contenance". Elle sourit, sans réagir négativement. "tu n'as jamais essayé" ? je lui expliquai mon trauma suite à un cancer terrifiant du poumon dans ma famille. Mon expérience avec la bande à Nicot fut donc très brève.... Elle hocha la tête lentement et avança les arguments frelatés de l'époque: "certains ne fument pas et l'attrapent tout de même"... Dans la lumière de mai, je réalisai que c'était la première fois que je voyais réellement la couleur de ses yeux. Elle dut se faire la même réflexion, nos yeux s'accrochèrent...juste ce qu'il fallait pour ne pas être "gênés" En fait nos yeux étaient pratiquement semblables...du vert entouré d'un léger halo de marron clair. C'était troublant, je retrouvais dans son oeil ce que j'observais dans le mien au miroir de la salle de bains... Je ris...elle aussi. "j'espère que nous ne sommes pas cousins, ton père était vraiment sérieux ?" C'était bon de rire enfin ensemble, sans une bande d'abrutis à nous moquer. J'essayais de la regarder sans ostentation, à la dérobée...Mon dieu qu'elle était mince ! Seul son petit popotin moulé dans un jean trouvait grâce à mes yeux... Son visage était vraiment très beau, mais je me gardai bien de lui dire...pas envie quelle joue les starlettes. Nos pubertés s'éternisaient...et la féminité de ma prof rejetait très loin tout désir pour une "semblable à moi même"....il n'était pas encore temps pour nous deux...le serait il un jour ? demain était bien loin et aujourd'hui je brûlais d'envie de vivre et d'apprendre à vivre.... 17 décembre... Désormais Elle rendait ma copie sur ma table sans sourire et sans poser sa main sur ma nuque . J'étais soulagé et déçu à la fois. Sans doute avait elle réalisé son imprudence... Le téléphone sonna un beau soir à la maison. mon père qui avait décroché resta un bon moment à discuter. Ensuite, il s'assit en face de moi: "tu es décidé à bosser pour relever tes notes de math oui ou non" ? je biaisai en assurant que je faisais ce que je pouvais, et que le prof était nul... "Ta prof de français m'a dit que ce serait dommage de gâcher tes études alors que tu es très bon dans certaines matières" Je haussai les épaules, cherchant à maitriser l'émotion qui montait...elle avait osé ! "écoute: elle propose de t'aider pour les maths , pour un prix très raisonnable du fait que ce n'est pas sa spécialité" "Nous ne sommes pas riches, mais si tu promets de donner un bon coup de collier, pour nous c'est ok. Mais tu bosses, sinon..." je hochai la tête...faussement non convaincu: "de toute façon ce sera toujours mieux qu'avec le pied noir" . Mon père fronça les sourcils en signe de reproche, et me fit la leçon sur les turpitudes de l'histoire et les drames de l'exode... Je m'en moquais complètement, du monde et de tout le reste j'étais sur un petit nuage.... Mes mercredis matins allaient devenir ma boussole, ma balise, mon souffle vital... La première fois où je sonnai à sa porte j'avais les mains tremblantes, et le souffle court...une vrai émotion de collégien ! Elle m'accueillit avec un grand sourire: l'appartement était plus cossu que le pavillon familial, et elle mit les choses au point d'entrée: "J'attends de toi du travail, des résultats, et de la discrétion sur ces cours non officiels, tu comprends ? ma réputation est en jeu" Son regard était intense et je compris les enjeux scolaires et ...le reste que j'espérais et craignait confusément. Je bossai...avec une motivation heureuse, et une constance méritoire...sa main sur mon épaule, sur ma nuque sa voix douce, sa patience, j'avais changé de braquet... L'année scolaire s'achevant, mes progrès malgré tout très récents furent remarqués et j'eus droit au classique : des efforts à confirmer et à poursuivre. Je voyais avec horreur le temps des vacances venir bien trop vite...tout ce temps sans elle, ce n'était pas possible de tenir jusqu'à la rentrée... J'en vins à aborder timidement le sujet avec elle. Stopper cet élan studieux, n'était ce pas dommage ? "c'est charmant et rafraichissant pour moi ce que tu évoques, mais je suis une adulte responsable d'un élève mineur et ce statut m'incite à la plus grande prudence... je pourrais perdre mon travail en cas de simples soupçons, tu comprends ? " oui je comprenais parfaitement cette barrière, il me suffisait de songer à mes parents et de les imaginer en lieu et place de "ma" Marianne professeure de Français...recevant un gamin en "demi douce". C'était sa barrière à elle, une barrière sacrée... De mon côté j'avais les miennes de barrières: la peur de la perdre, la peur de la toucher, et de la choquer définitivement. je réalisai alors qu'elle ne pouvait sauter seule sa barrière mentale... Seul, Je ne le pouvais pas davantage....Si j'osai faire un petit pas vers elle, peut être que sa culpabilité serait moins lourde... Au moment de la quitter je jouai mon va-tout...je me jetai dans ses bras, en la serrant comme un damné... Mon érection s'appuyait désespérément contre elle. Elle tenta gentiment de me repousser mais n'insista pas. J'étais déjà assez costaud pour la maintenir collée à moi... Elle soupira à voix basse "ha là là....arrête, tu es fou."...je n'entendis Pas un souffle de colère, de répulsion...ses dénégations étaient presque tendres. Ce petit pas pour moi était un sacré saut dans le vide. Mais Marianne fut mon filet de sécurité. Elle me massa gentiment le dos et au bout de plusieurs minutes me repoussa avec une grande douceur. Une légère rougeur au visage , elle me dit me baisant la joue, "allez rentre chez toi , à mercredi" 20 décembre... je suis rentré à la maison avec l'impression de marcher dans du coton, d'être léger. J'essayais de me souvenir de sa chaleur, de ses formes écrasées tout contre moi, de mon visage enfoui dans son cou. Ma grande peur, celle d'être repoussé au vu de ma maladresse, s'était éloignée. Mon imaginaire se remit ensuite en route: Qu'allait il se passer et surtout allait elle mettre un terme à mes visites studieuses ? Je crois bien que ce fut la dernière fois où je me confiai à JC avant sa disparition... Tout d'abord, il ne me crut pas...puis un sourire d'envie aux lèvres il lâcha: "quel veinard tu fais, si c'est vrai, fais gaffe n'en parle à personne. c'est du TNT ton histoire. Si tes vieux l'apprennent..." Il ajouta qu'il ne fallait pas attendre pour tenter de pousser mon avantage, qu'il fallait nous lier par le silence. Et pour être liés par le silence il fallait aller un peu plus loin... Dans ma chambre, je savais bien que de ma propre initiative bardée d'inexpérience, "aller plus loin" dépassait mes compétences. C'était Marianne qui était la dominante... Je songeai aussi que dans mon élan un peu désespéré vers elle j'avais été guidé par une vague recherche maternelle rassurante. Jamais je n'aurais été capable de prendre dans mes bras sans crier gare la trop jeune Annie. La trop enfantine Annie, sans doute aussi incompétente que moi... Il me fut facile de répondre aux questions parentales, du fait de mon petit sursaut qu'indiquait mon carnet de notes. Je trouvai plaisant de me plaindre du rythme élevé de son enseignement, de sa sévérité, mais je reconnaissais sa patience et son approche plus dirigée vers l'ouverture qu'offrait les math... Un peu d'hypocrisie, fait partie du chemin vers l'ère adulte.... Une atmosphère légère flottait à la maison. mes parents pensaient avoir fait le bon choix, pris la bonne décision. Tout comme moi lorsque je devins parent à mon tour, la culpabilité suivit mes pas, jamais très loin.... Le mercredi suivant finit bien par arriver...Mon petit cartable sous le bras je sonnai à sa porte. Le calendrier était sans équivoque: c'était l'avant dernier mercredi avant les vacances scolaires.... Ce fut studieux, mais elle posa tout de même sa main sur mon épaule deux ou trois fois... A un moment, j'avais terminé l'exercice demandé, et Marianne corrigeait ses copies penchée sur sa tâche, ses cheveux libérés du bandeau qu'elle portait très souvent... Je me levai pour me servir un verre d'eau, et au retour voulant copier les gestes affectueux de mon père envers son épouse, je posai la main sur son épaule et lui fit un bref et doux baiser dans le cou... Elle ne sursauta point. Elle leva la tête me sourit : elle lâcha un "tu es mignon" qui ajouté à mon geste me fit rosir . Je me rassis le coeur battant la chamade...incapable de reprendre connaissance de l'exercice suivant. Elle comprit et compatissante me libéra: "allez tu as bien bossé, ce sera tout pour aujourd'hui" Avant d'ouvrir la porte pour sortir, je me tournai vers elle et formula à nouveau mon désir de cours durant l'été....Elle leva les yeux au ciel, et me répondit qu'on verrait ça mercredi prochain... je restais planté devant elle avec le désir prégnant de me rapprocher d'elle, mais avec la peur de tout gâcher. nos yeux se croisèrent, j'y lu pour la première fois quelque chose d'inconnu: elle souffla légèrement et posa ses mains sur mes épaules. je me glissai avec douceur dans ses bras, sans la serrer comme une brute. Noyé dans son parfum j'étais au paradis. Je sentis ses doigts dans mes cheveux me massant le crane, tournant mes boucles... ma main trouva sa joue et je lui baisai le cou plusieurs fois . Jusqu'à ce qu'elle pose ses lèvres au creux du mien. Nous nous séparâmes lentement , avec la sensation évidente que rien ne serait plus comme avant.... Le mercredi suivant elle aborda d'entrée le problème des éventuels cours d'été. Elle m'expliqua que ce serait possible, mais pas avant la petite quinzaine précédant la rentrée . qu'il fallait que je profite de ces congés, et que je vive ma jeunesse avec des amis de mon âge. De son côté elle ne voulait pas trop demander à mes parents, qui pourraient trouver suspect cet intérêt un peu trop prononcé pour un élève. Nous nous miment aussitôt au travail pour lequel elle était rétribuée.... Au moment de se quitter, je tentai de gagner le creux de ses bras...elle résista mollement, mais céda: je pus à nouveau baiser son cou, et caresser ses cheveux malgré ses soupirs et ses "enfin, j'ai presque l'âge de ta mère, tu es mon élève, ce n'est pas bien ce que nous faisons..." Ses caresses dans mon cou, dans mes cheveux, un baiser sur mon front contredisaient ce qu'elle professait. Au ton particulier et à la douceur de sa voix, je sentis chez elle un trouble sans doute un peu coupable, mais mon coeur bondit dans ma poitrine quand je le réalisai . Ma première victoire me grisa: j'avais osé, pris l'initiative...et je l'avais troublée , c'était certain.. Je repris ma quête et lui suppliai au creux de son cou qu'il aurait été trop cruel que je ne la revoie point cet été, que c'était vital pour moi.... que j'allais être malheureux, que c'était "trop bien". Elle négocia un mercredi sur deux, hormis ses propres congés et ceux de mes parents qui allaient nous séparer de toute manière. Autrement dit...rien Mes mains se posèrent sur sa taille, elle frémit légèrement et mes lèvres baisèrent ses joues avec le plus de douceur qu'il m'était possible d'offrir. Emporté , grisé je tentai de glisser mes doigts sous son pull léger, j'eus à peine le temps de sentir sa peau. Elle prit fermement mes poignets et se dégagea en fuyant mon regard . Un "non" déterminé tomba de sa bouche Avec ces rougeurs qui coloraient ses joues je la trouvai sublime, désirable et déjà lointaine. Je la quittai sur un romantique " merci beaucoup Marianne vous êtes une personne très importante pour moi" ..... 21 décembre. l'été s'abattit sur Limoges d'un coup : la chaleur démarra brutalement, les bords de la vienne voyaient passer des troupeaux de promeneurs à la recherche de fraicheur. L'enterrement de JC nous vit transpirants à grosses gouttes. A part ceux qui étaient déjà partis sur la côte ou vers les sommets toute la classe était présente... Etape importante dans le grandissement de l'âme: la première disparition d'un garçon en pleine jeunesse. C'était la découverte de la brièveté de la vie, et de ses injustices . Découverte de la responsabilité suprême de tuer par imprudence et addiction mortifère. Je pris à mon tour une rose blanche. et enveloppai sa tige dans une page arrachée sur laquelle j'avais écrit une pensée minimaliste : "a bientôt vieux frère" Me reculant après l'avoir jetée sur le cercueil, j'aperçus Marianne qui attendait son tour une rose à la main... Je dépassai Annie qui errait dans une allée du cimetière. je la réconfortai, lui fit la bise avec naturel et lui demandai: "ça va aller ma cousine" ? Elle sourit à moitié, tordant la bouche..."oui il faut bien, la vie continue mon cousin" . Nos yeux restaient un peu humides.... Un bel après midi où j'étais seul à la maison je téléphonai à Marianne. elle me manquait et je lui dis ... Elle enchaina, en me demandant si je n'étais pas trop triste de la mort de mon copain. Elle ajouta: "tu veux qu'on en parle ?" Evidemment je ne pouvais refuser son réconfort ... C'était la première fois que je sonnai à sa porte avec un sac qui allait remplacer mon cartable... Il était pratiquement vide, mais les apparences étaient sauves... Devant un chocolat chaud, nous discutâmes de JC et de toutes les morts injustes, des guerres...et de la valeur de la vie...de sa préciosité. Un embarras commun flottait entre nous. Sans mes exercices, sans son occupation de correction des copies, nous avions perdu nos marques, notre contenance officielle. Elle prit ma main par dessus la table où nous étions assis. "tu sais à quelle heure rentrent tes parents, il ne faudrait pas qu'ils s'inquiètent" En fait nous disposions de presque deux heures ... je portai à mes lèvres sa main : elle rit doucement "un peu poussé votre baise-main chevalier soyez plus délicat" Dans un jeu de rôles tacite nous primes le parler d'autrefois, truffant notre verbe d'adjectifs laissés sur le carreau de l'évolution linguistique. je fus vite débordé, j'étais petit joueur face à elle. assez bon face à ma génération, mais fatalement moins brillant face à ma prof.... Tout en devisant je tournai délicatement mon index dans sa paume, imitant ce qu'elle avait commencé... C'était délicieux...ce petit abandon à mes doigts. Son oeil brillait... D'un coup je ne pus supporter cette maudite table entre nous ... Sans lâcher sa main je me levai et posant mon autre main sur son épaule je m'assis sur ses genoux, face à elle... Elle ne regimba pas, ne dit mot et recula sa chaise pour être plus à l'aise.... La tête me tournait, j'étais essoufflé sans avoir fait le moindre effort...apparent. Son regard devint grave devant mon trouble évident. "je suis folle de te laisser faire çà: tu te rends compte de ma situation" ? En tout cas Marianne ne pouvait ignorer la mienne et ce désir puissant qui me poussait vers elle. je lui caressai les joues, lui embrassai le front passa et repassa mes doigts dans ses cheveux, avec frénésie elle s'attardait sur ma nuque me déclenchant des frissons... Malgré son chemisier fermé jusqu'en haut l'envie de toucher sa poitrine me vrillait le cerveau... Après une longue hésitation je descendis mes mains et palpa à travers chemisier et soutien gorge comme un mort de faim. "doucement tu fais trop fort...attends" gémit elle elle retira mes mains, et ouvrit ma chemisette lentement. Sa main effleurait mon torse, mes tétons avec une lente douceur "comme ça tu vois" me souffla-t-elle. sa main disparut dans son dos, elle dégrafa son soutien gorge puis déboutonna son chemisier.... cet après midi de paradis où je caressai ces seins somptueux me revient en mémoire au fur et à mesure de mon écriture... Elle effaça ensuite ma jeune frustration d'une bouche ardente me laissant comme exsangue sur son canapé..... Marianne caressait mes cheveux , mon torse, pour un retour au calme nécessaire. je soupirais sans remords m'abandonnant à elle complètement, le coeur plein de reconnaissance.... Elle sortit de son silence: "Nous voilà bien, tous les deux" l'inquiétude barrait son front... Rentré à la maison, on me demanda le lieu de ma promenade. Comme tant d'autres avant moi, j'éludai, un petit tour en ville tout ça...j'arborais un visage qui disait "bof" et le coeur qui souriait ....largement Je resongeai dans ma chambre à l'inquiétude qui avait traversé le visage de Marianne. Nous étions définitivement complices soudés par notre silence, notre secret, comme l'avait imaginé JC En fait j'avais le beau rôle, mais ne le compris que plus tard...bien plus tard Les répercussions sur sa vie professionnelles en cas d'indiscrétion pouvaient s'avérer catastrophiques. Avec le recul d'aujourd'hui, j'aurais été davantage la victime d'une adulte irresponsable et perverse... Pourtant tout n'était pas si simple...nous nous tenions tous les deux... Le danger ne pouvait venir que d'une imprudence de notre part, ou d'un soupçon malveillant quelconque... Son inquiétude m'attrista...jamais notre relation ne serait "normale"... Mais il n'était pas envisageable pour moi de stopper net cette émotion nouvelle. Conscient qu'un jeune printemps, associé à un été finissant ne portait pas des fruits d'avenir, je ne vivais que l'immédiat : pourtant je croyais l'aimer, avec la sincérité éphémère qui nait à la frontière entre adolescence et adultisme. Elle me manqua cruellement durant la quinzaine de juillet passée en famille ...la pinède gasconne parfumée, le sable chaud de la plage , les bains océaniques, le vent d'été, les gamines de mon âge aux animations du soir: rien ne pouvait effacer le bonheur de nos caresses qui me paraissaient si lointaines. Mais je revins hâlé et bien reposé... A nos retrouvailles au bout de trois semaines supplémentaires qui correspondaient à son départ en congé chez des amis, elle me sembla plus petite. Logique, J'avais pris en cet été 5 à 6 bons centimètres. Mes parents en ce chaud mois d'août ne sortaient pas beaucoup...je piaffais d'impatience. Heureusement, à l'époque il y avait encore des cabines téléphoniques. Je réussis ainsi à la contacter...et la retrouver enfin. Tout semblait changé: dans ses mules très plates elle levait la tête pour croiser mon regard... un cheveu blanc brillait à sa tempe, elle n'était pas maquillée, Ma gorge se serra...sa tristesse était palpable. Je la pris dans mes bras, ému de retrouver son âge. Son retour dépressif elle l'attribuait à la compagnie de deux couples d'amis . "Et moi toujours seule, sans enfants...pourquoi m'invitent ils, je ne comprends pas" mes lèvres se posèrent sur les siennes: notre premier baiser, qui s'améliora rapidement.... Elle bafouilla: "et toi, tu te rends compte de l'impasse de notre relation, nous perdons du temps tous les deux" je sais aujourd'hui combien il est facile de souffrir unilatéralement d'un grand amour avec un aussi grand écart d'âge... j'ai connu ça plus tard à mon tour, ce n'était que justice après tout. Que pouvais je faire d'autre que de la câliner et lui faire perdre son temps le plus agréablement possible ? Je ne m'attendais pas à culpabiliser de la sorte... la souffrance d'autrui pousse vers la maturité, la responsabilité... Nos retrouvailles furent moins agitées que je ne l'espérais....je la consolai du mieux que je pus, comprenant que le temps de la passion s'était enfui, mes caresses furent presque fraternelles... Elle me remercia du respect que je lui témoignais à son égard et à sa tristesse, et me rassura: "ne t'inquiète pas, ça va passer, les retours de vacances sont toujours difficiles pour moi" Un dernier baiser et je me retrouvai sur le trottoir un peu désenchanté.... surpris, presque déçu de la fragilité de cette femme dont j'admirais il y a peu la prestance et l'autorité . Ce jour là, je me demandai à quoi ressemblait vraiment une personne adulte... D'ailleurs, je me le demande encore aujourd'hui, en tant que vieil enfant... 22 décembre... Nous reprîmes tout de même les cours particuliers la semaine précédant la rentrée. Elle avait repris du poil de la bête; escarpins à talons, léger maquillage, sourire engageant et aveu touchant : "heureusement que je t'ai", ce qui m'inquiéta vaguement...cette sorte de pouvoir me donnait à réfléchir.... Elle garda ses distances se contentant de me toucher gentiment les épaules et affirmant qu'il fallait bosser sérieusement cette année, année qui serait la dernière au collège...la dernière avec elle. Nous "bossâmes" comme jamais en effet... mon sursaut en math fut salué concomitamment par les appréciations de mon carnet et par mes parents. Aujourd'hui je souris de leur financement à double spécialité. les maths et l'école de la vie...Je n'ai jamais pu leur avouer...même après bien des années. il m'arrivait de croiser une vieille curieuse dans sa cage d'escalier: j'avais ma réponse toute prête, "soutien scolaire" Les bonnes intentions ne pouvant durer, et profitant de ma toute nouvelle assurance masculine , que je taisais au bahut, nous bossâmes...moins. Avec Marianne nous avions passé un contrat moral: on bosse d'abord, après...on se repose souriait elle. Notre addiction reprit de plus belle... je la chevauchais allègrement après son insistance pour nous protéger...plastiquement parlant. Nous transpirions, nos peaux comme encollées, hirsutes, débridés... je lui dois la découverte du désir et du plaisir féminin... interrompant une douce fellation, elle exprima son désir: "tu vois c'est pareil pour moi, ce serait très agréable" Que je fus maladroit, la première fois, perdu dans ses moiteurs aux parfums étrangers, en proie à une répulsion inattendue... Elle me tendit un livret qu'on trouvait partout (et que je n'osai acheter) dans ces années "libérées" toute la chose y était expliquée, décrite... "je ne peux pas tout te dire" s'excusa-t-elle . Ma répulsion primale fut remplacée assez vite par une farouche bonne volonté...excitée par ces lectures Jusqu'au moment où des "oui" rapprochés, ponctués de gémissements fouettèrent ma libido. jusqu'au moment où son corps se tendit d'impatience en suppliant "encore, encore" pour se relâcher complètement dans un long soupir. Elle m'embrassa à pleine bouche me témoignant une reconnaissance qui embellit encore davantage cette découverte Merveille de la jeunesse, tristesse du temps qui passe, qui sépare les amants d'autrefois.... Une année folle, une année belle se poursuivit... Mes progrès mathématiques commencèrent à stagner vers le milieu de l'année scolaire... d'autant que Marianne très "littéraire" atteignait ses propres limites, et que le temps "d'étude" s'était singulièrement raccourci... Nous bossions vite, nous nous reposions plus lentement... Un jour elle m'avoua avoir honte de prendre l'argent de mes parents de la sorte, et me proposa qu'on interrompe les cours de soutien scolaire. Je me récriai, contestant cette approche: "je veux continuer à te voir" Elle soupira: "je sais, moi aussi, mais tu pourras peut être trouver un prétexte pour sortir le mercredi après midi, et venir me voir". "mon petit chéri, nous ne pourrons pas continuer comme ça...a jouer avec le feu, on se brûle" Elle tint bon et signifia à mes parents qu'elle avait atteint ses limites et obtint de vifs remerciements pour ses bons résultats... Pour gagner de la liberté auprès des miens, je devins sportif, avec un besoin de courir irrépressible...de courir vers elle... 25 décembre... Affirmer qu'il ne s'agisse que de "soutien scolaire" pouvait semer un doute légitime: je montais la cage d'escalier en tenue de sport, sans l'ombre d'un document sous le bras...mais comment imaginer un autre motif de visite pour un esprit sans malice ? Au long de cette dernière année de collège, notre passion s'étiola lentement...ma découverte devenait expérience et m'ouvrait d'autres appétits. Les formes pleines de Marianne me semblaient plus lourdes moins fermes , ah cruauté et manque de reconnaissance de la jeunesse... De son côté elle pressentait la bifurcation inévitable de nos sentiers aventureux... Elle me caressait la joue, les cheveux, ses yeux rivés aux miens, en tentant des "dis tu penseras à moi de temps en temps quand même ?" Certes, je ne l'oublierai jamais, je l'ai toujours su. Assez classiquement, je lui affirmai que j'aurais plaisir à la croiser à Limoges en compagnie d'un homme. le veinard il aurait bien de la chance. Ce qui ne m'empêchait guère de la basculer sur son lit, et d'assouvir plus facilement ma faim avec elle qu'avec une fille de mon âge où un temps de séduction nécessaire me décourageait à l'avance. Pourtant le jour où elle me ferma sa porte, je pleurai...et mes larmes alourdirent la chute de ma moyenne scolaire. Mon arrivée au lycée, et donc la distance qui nous sépara fut de bonne augure pour panser la nostalgie qui suivit mon chagrin. Il s'en passe des choses en une année dans les corps adolescents... La petite Annie s'était réhaussée de quelques centimètres, sa minceur qui la suivra jusqu'à la ménopause, s'était garnie d'attributs pectoraux qui malgré leur relative discrétion n'échappa pas à ma fine observation. Au cours des séances de sport, j'avais pu admirer le galbe merveilleux de ses jambes...C'était devenu une très jolie jeune fille au visage d'ange ignorant l'acné... Les regards qui s'attardaient sur elle l'avait rendu très prudente envers les garçons...même envers moi. Elle sentait le danger comme la biche sent la meute des chiens de chasse. Pourtant deux années plus tard nous étions "ensemble" , puis, nous nous mariâmes dans la folie heureuse d'un amour puissant et généreux. Un peu trop généreux cependant: la mariée était déjà enceinte... J'eus la surprise de revoir Marianne en compagnie d'un homme visiblement un peu plus jeune qu'elle... on ne change pas: mon ex complice, ma chère gourgandine aimait toujours la chair fraiche. la présentation des deux couples fut détendue...mon ex prof de français, n'est ce pas, mon épouse Annie, mon ami (dont j'ai oublié le prénom) On se fait la bise ? On se fait la bise ! pour la première et dernière fois, car le marché du travail nous entraina vite loin de Limoges Je glissai à l'oreille de Marianne un "merci pour tout" d'une grande sincérité. un "bonne chance à toi" me fut répondu... La chance me fut accordée pour un certain temps: le temps de voir naitre deux enfants, les aimer... le temps d'user consciencieusement cet amour puissant qui malgré l'usure nous rendit tellement malheureux, tellement vindicatifs l'un envers l'autre. Je suis en paix ou presque, à présent. C'est sans doute pourquoi, ces souvenirs remontent à la surface. J'ai l'impression de marcher dans une eau claire, créant des remous joyeux colorés d'hier, d'avant hier...soulevant aussi un peu de boue tapie au fond de moi. Aucune vie n'est parfaite, le souvenir de Marianne me rend plus tolérant. Etais-je sa victime innocente et pervertie au yeux de la société ? Etais-je un ado pervers sans innocence ? Rien n'est simple...rien n'est certain, sauf que la vie est diablement courte.
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deux heures d'avance pour moi ou deux heures de retard pour ma fille. C 'est comme on veut. l'aire est bondée, on se demande bien d'où viennent toutes ces bagnoles une petite caravane aménagée propose des "en cas", trois machines à café bourdonnent près des toilettes... je fais mon petit tour promenade de temps en temps. En cas d'arrêt express on ne remarque guère ce qui apparait aux yeux de ceux qui attendent depuis longtemps. donc le manège de ce jeune homme avait attiré mon attention. Il cherchait... quelque chose ou quelqu'un. Il présentait bien, contrairement à deux de ses amis qu'il rejoignait en douce. Deux bonnes tête d'assassins, un peu plus âgés. il semblait proposer un transport direct pour Nantes, sans doute à un tarif défiant toute concurrence. Il ignorait les hommes, jetant son dévolu sur les européennes types. malgré son sourire, elles refusaient un peu estomaquées par ce culot subsaharien. Avec ces trois gaillards , sale temps pour la malheureuse embarquée.... avec un peu plus de technique il finit par offrir un café à une jeunette repliée sur sa peur Je jurerais qu'il lui a demandé si elle était raciste. Devant ses dénégations honteuses, il passa son bras autour de ses épaules. La pauvre n'osait pas regarder autour d'elle, entrainée vers la voiture et les deux autres affreux. autour c'était l'indifférence du voyageur pressé...la solitude extrême du transit bigarré.... je me sentis obligé de "faire quelque chose". En temps qu'ancien stationné, j'aurais très mal dormi, si les journaux avaient relaté un drame qui aurait pu être évité. je vins vers elle en riant "mais où étais-tu passée, j'attends là-bas au bout" le bougre avait du mal à lâcher sa proie, son fantasme, sa pulsion... Enfin il lâcha prise en me fusillant du regard...j'enfonçai le clou: "tu connais ce monsieur" ? La pauvrette en regardant ses chaussures secoua la tête... je marchais vers mon véhicule suivi des yeux par les deux autres affreux sortis du sous-bois. "Je suis votre père c'est d'accord ?" installée dans ma voiture ses nerfs lâchèrent...elle me remercia en pleurant avec des "merci monsieur" entre chaque sanglots. Par précaution, la voiture des 3 affreux reprit enfin la route.... |
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un bonheur atroce. On sonne à ma porte. C'est la gendarmerie, et zut, je viens juste de verser mon café au lait bien chaud dans un joli bol, et de beurrer mes tartines de pain. Le gars du duo "gendarmesque" reste quelques pas en arrière . Il préfère laisser sa jeune collègue faire ses premières armes de contrôle émotif. Le temps de confirmer mon identité, et boum ! d'une voix douce avec le visage emprunt d'une respectueuse gravité, elle m'annonce le décès de mon ex-femme. La surprise me rend gaga: "vous êtes sûre qu'il s'agit bien d'elle ?" "aucun doute hélas. Désolés de vous l'annoncer ainsi, mais nous aurons besoin de votre audition à la gendarmerie le plus vite possible" Je respire un bon coup, et prends rendez-vous dès l'après-midi après avoir demandé vainement la cause de son décès. Si la maréchaussée a pris la peine de se déplacer, mon ex embrouilleuse n'est certainement pas partie d'une mort naturelle, ou alors un doute majeur subsiste. Le courant de mes pensées tourne à vide ....Dans quelle galère s'est-elle embarquée ? Elle conduit sa bagnole comme elle entreprend tout: hors de toute prudence. Le comble étant que sa vue a baissé plus vite que ses pulsions naturelles. La coquette refusant les lunettes inesthétiques, j'espère qu'elle n'a tué personne en sus d'elle-même. Elle habite un secteur résidentiel et calme. Aura-t-elle ouvert imprudemment sa porte à un "déséquilibré"? La mestrance de la société avoue du bout des lèvres que des malades mentaux indigènes et importés sont lâchés dans nos villes et nos villages. Faute d'hébergements psychiatriques ou pénitentiaires....un souk organisé par économie. Ce ne serait vraiment pas de bol pour elle. Je regagne la cuisine où mon café au lait a commencé à refroidir...La vision du joli bol me plonge dans mes souvenirs. C'était un de ses derniers cadeaux, assorti à son foutu caractère. Au fond de ce calice, on voit apparaitre, au fur et à mesure de la baisse du niveau de café, une grosse dame pas commode. Elle a les mains sur les hanches et assène "t'attends quoi pour débarrasser ?" Un sourire me vient.au fil du passé: nos scènes de ménage théâtrales, entrecoupées de séquences amoureuses qui usaient d'habitude notre capital de désir érotique, les choix inconstants, son appétit insatiable de changement. Il fallait que ça bouge...l'immobilité la terrorisait. Mon sourire s'efface peu à peu. Ah ça, elle était belle ! J'ai toujours au fond des yeux une photo de sa jeune et rare beauté enfuie. Vêtue à la mode des seventies dans une pose vaguement lascive mêlée d'innocence, elle s'offre à l'objectif comme elle s'offrira à moi un peu plus tard... Quel régal, quelle chance de vivre un tel premier amour... Je ne suis pas un être jaloux maladif, j'ai toujours eu confiance en moi pour rebondir amoureusement, considérant que personne n'est ma propriété. Aimer c'est aussi offrir une seconde chance....à l'autre Alors les loulous qui la dévoraient des yeux, je pouvais le comprendre. De toute façon je n'avais d'autre choix que la confiance. Evidemment, l'un d'eux a tenté sa chance au bon moment, au bon endroit...quelques autres sans doute ont profité de la brèche de son insatisfaction existentielle.... Mis dans la confidence par elle-même, j'ai été attristé de son amusement à l'évoquer, appréciant tout de même son étonnante franchise mêlée de cruauté dont j'aurais été bien incapable. Imaginant équilibrer nos libertés respectives, j'ai tenté de trouver une femme en victime expiatoire... J'y ai connu le désir sans amour, et les limites de ce désir insuffisant qui ne m'amusait pas . Surtout, surtout ce n'était pas le bon moment pour moi. La comparaison avec nos intensités partagées, cette complétude , cette altérité naturelle, ce soleil dans le coeur, cette légèreté heureuse, ne tenait pas la route... Je respire longuement pour apaiser ce terrible boomerang qui me revient en pleine figure. Ce bonheur d'autrefois, ce bonheur évanoui qui m'envahit soudain....c'est insupportable. Comment oublier ce bonheur souffrance, ce bonheur atroce ...dont je serai le dernier survivant ? le dernier témoin ? Sa mort ne résoudra rien pour moi ni pour nos enfants... Une de ses phrases , une de ses questions lâchée un jour d'apaisement me revient en mémoire. "mais qu'est ce qui nous est arrivé, qu'avons-nous fait de notre amour ?" Ma belle c'est fini, tu n'auras jamais de réponse. je n'en savais pas davantage que toi, et je n'en sais foutrement rien de plus aujourd'hui. Le déjeuner sans appétit avalé, je me prépare à mon audition chez les gendarmes. "Bon sang ! qu'a-t-il bien pu lui arriver ?" Je n'appellerai nos enfants qu'une fois la réalité de la situation absorbée...
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Blog mis à jour le 10/12/2023 à 08:56:39
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