Contraception orale oestro-progestative
Combinee et maladies cardio-vasculaires
Liste des participants :
Enquêteurs :
R. Farmer, Royaume Uni
O. Lidegaard, Danemark
O. Meirik, O.M.S.
W. Spitzer, Etats-Unis
D. Walters, Royaume Uni
U. Winkler, Allemagne
Comité d'Evaluation :
M. Alaoui, Maroc
G. Benagiano, Italie
J. Cohen, France
C. Coll-Capdevilla, Espagne
B. Hedon, France
O. Iversen, Norway
R. Kempers, Etats-Unis
J. Newton, Royaume Uni
O. Rodriguez-Armas, Venezuela, Président de l'IFFS
B. Runnebaum, Allemagne
M. Seppälä, Finlande, Président de la FIGO
C. Westhoff, Etats-Unis
Cette réunion a été financée par une subvention d'éducation illimitée octroyée par NV Organon et Schering A.G.
Personne à contacter :
Jean COHEN, M.D.
IFFS – c/o CSI
337, rue de la Combe Caude
34090 MONTPELLIER – FRANCE
Phone :+33 4 67 63 53 40 / Fax : +33 4 67 41 94 27 / E-Mail :
algcsi@mnet.fr
Texte approuvé par l'Assemblée
Générale de l'IFFS le 6 Octobre 1998
Droits réservés à Fertility
and Sterility
(Fertil. Steril., 1999, 71/6 : 1S - 6S)
Depuis leur introduction dans les années 60, les contraceptifs oraux combinés (COC) ont fait l'objet de nombreuses évaluations dans le monde entier. Ils représentent actuellement le groupe d'agents pharmacologiques faisant l'objet du plus grand nombre de recherches. Les COC sont actuellement utilisés par plus de 90 millions de femmes. Ils leur ont apporté des bénéfices sanitaires qui sont reconnus de manière inégale. Les femmes bénéficient non seulement de l'efficacité des COC en matière de prévention de la grossesse non désirée, mais aussi de l'anémie, de l'aménorrhée et des règles abondantes [1], ainsi que d'une réduction significative de certaines pathologies gynécologiques, telles que l'endométriose et le cancer des ovaires [2].
Du point de vue de la Santé Publique, les COC sont une méthode tout à la fois nécessaire et sûre de contraception. Au fil des années, avec la reconnaissance des rares effets secondaires, la réduction du dosage et le changement de formulation ont conduit à diminuer l'incidence générale de ces effets secondaires. La maladie cardio-vasculaire (CVD) reste un effet secondaire rare qui a fait l'objet d'une attention nouvelle avec les récentes études épidémiologiques. En 1995, des décisions cliniques et réglementaires furent prises dans certains pays suite à la publication de ces études. En raison des controverses sur la nature et l'étendue du risque cardio-vasculaire, de nombreuses nouvelles études et analyses sont apparues, qui clarifient maintenant les risques relatifs et absolus. Ces études sont résumées et analysées dans ce document de consensus.
Lors de la réunion des 20 et 21 Juin 1998 à Göteborg en Suède, les chercheurs sont venus présenter les résultats de leurs études aux experts réunis par l'IFFS. Toutes ces études ont été conçues sous la forme d'études dites "d'observation", c'est-à-dire que tant les femmes que leurs médecins avaient décidé eux-mêmes de prendre une COC, et quel type de COC utiliser. Il n'a pas été réalisé d'étude expérimentale sur l'utilisation des COC et leurs conséquences cardio-vasculaires. Ces études ne seront jamais possibles en raison de la rareté de ces pathologies.
Les études
La conception générale de ces études est décrite ci-dessous :
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a réalisé une étude cas-témoins de 1989 à 1993 sur 21 pays ; le compte-rendu des analyses a été fait séparément pour les pays développés et les pays en voie de développement [3]. Le rapport fait état d'un total de 1.143 cas de thromboembolie veineuse (VTE) (710 cas dans les pays en voie de développement et 433 cas en Europe). Ces cas ont été comparés aux 2.998 témoins qui ont été choisis parmi des femmes hospitalisées. Seul le centre d'Oxford au Royaume-Uni a inclus des témoins choisis dans la population générale. De plus, l'OMS a publié des résultats concernant 198 femmes en Europe et 168 femmes dans les pays en voie de développement ayant eu un infarctus du myocarde (AMI) et 697 femmes ayant eu une attaque ischémique (CVA). Les informations sur les sujets " cas " ont été obtenues par le biais d'entretiens individuels [4, 5, 6].
L'étude cas-témoins Transnationale a été réalisée entre 1993 et 1995 en Europe, avec au préalable des analyses de données provenant d'Allemagne et du Royaume-Uni. Cette étude comprenait 471 femmes ayant eu une thromboembolie veineuse (VTE) et 189 femmes ayant eu un infarctus du myocarde (AMI). Il y eut 1.772 contrôles choisis à la fois parmi la population hospitalisée et la population générale. Les informations ont été obtenues également lors d'entretiens individuels [7, 8].
L'étude cas-témoins danoise a débuté en 1994-95 ; il est prévu de suivre le nombre de cas sur une durée totale de 5 ans. L'étude est donc encore en cours. Jusque-là, les analyses concernant 375 cas de VTE ont été publiées. Les informations sur les 1.041 témoins et les cas ont été obtenues à l'aide de questionnaires postaux. Les cas d'attaques cérébro-thrombotiques (incluant aussi les attaques ischémiques passagères) et d'AMI sont en cours d'évaluation [9, 10].
La première analyse de l'étude dite "des Médecins Généralistes" (GPRD) a été réalisée en utilisant les données informatisées issues de 365 cabinets de généralistes du Royaume-Uni. Durant la période 1991-94, sur 238.130 femmes utilisant des contraceptifs oraux contenant du levonorgestrel (LNG), du desogestrel (DSG) ou du gestodene (GSD), 81 femmes ont eu une thromboembolie veineuse (VTE). Les informations provenant de la base de données étaient à la disposition de toutes les femmes ; pour des analyses plus détaillées, les informations étaient obtenues à partir des chiffres médicaux originaux pour l'ensemble des cas et d'un échantillon pris au hasard parmi les autres femmes. Cette analyse concernait les VTE non mortels, et une analyse supplémentaire a évalué 15 cas de mort subite imprévue dans la cohorte [11].
Ultérieurement, une analyse plus large a été menée entre 1986 et 1997, utilisant des informations étendues et comprenant toutes les femmes en âge de procréation (et non pas seulement celles utilisant des COC) ; il y avait 328 cas de VTE dans l'analyse [12]. Il y a eu également des analyses issues d'une autre base de données du Royaume-Uni appelée Mediplus, qui comprenait 83 cas de VTE sur 235.000 femmes en âge de procréation. Ces analyses ont été également limitées à la VTE et non à l'AMI ou aux CVA [13].
Différences entre les études
Ces études différaient légèrement entre elles dans la définition de l'exposition à la contraception orale et dans celle des maladies. Par exemple, lors des entretiens, les patientes pouvaient dire à l'enquêteur si elles prenaient un contraceptif oral au moment de l'accident et son type. Dans les études ne comportant pas d'entretien, les enquêteurs se basaient sur les informations enregistrées concernant les prescriptions qui avaient été faites au cours des 3 mois précédant l'accident. En général, pour être reconnue comme étant un cas de VTE, une femme devait être hospitalisée et se voir administrer un médicament anticoagulant pendant un certain temps. L'exigence de tests de diagnostic n'a pas été la même dans toutes les études. Le niveau de certitude sur le diagnostic de thrombose veineuse est donc différent ; toutes les études ont utilisé des définitions rigoureuses et acceptables, mais le type de thrombose a pu probablement différer.
La description de chaque étude présentée ci-dessus rapporte le plus grand nombre de sujets inclus; cependant, le nombre de sujets sur lesquels sont basées les analyses spécifiques publiées est toujours plus petit. En particulier, les analyses qui comparent les utilisatrices de types spécifiques de COC ont un nombre de sujets bien plus petit que le nombre de sujets de l'étude prise dans son ensemble. De ce fait, il est difficile de comparer directement les résultats parce que les analyses utilisent des points de référence, des limites d'âge et des définitions des maladies différentes.
Les analyses diffèrent également en ce qui concerne la définition des tranches d'âge utilisées pour comparer les cas aux témoins - certaines études font des tranches d'âge de 5 ans, et d'autres apparient sur l'âge exact. De plus, les études ne tiennent pas compte de la même façon de la durée de prise des COC ni du fait que les femmes soient de nouvelles utilisatrices, des utilisatrices habituelles ou des personnes passant d'un COC à un autre, ni du fait qu'elles soient nullipares. En général, comme les analyses des études comprenaient beaucoup de ces variables, les différences initiales entre les formulations des contraceptifs oraux ont été considérablement réduites dans leurs résultats. Dans les dernières études, où ces paramètres ont été inclus dans les analyses, il n'a pas été trouvé de différence en matière de risque entre les nouvelles pilules et les anciennes.
Des études plus récentes sur les COC se sont focalisées sur l'impact de la dose d'œstrogène. Nous savons déjà qu'en diminuant les doses d'œstrogène, la fréquence des thromboses décline [14]. Les nouvelles études, qui ont généré tant de controverse, relient la fréquence de la thrombose au type de progestatif. De telles comparaisons entre les contraceptifs oraux sont difficiles car il y a trop de formulations différentes. Les enquêteurs ont cherché à simplifier l'analyse en réunissant les produits sous forme de groupes.
Les études en cours actuellement traitent essentiellement de ce que l'on appelle les pilules de 2ème et 3ème génération qui peuvent être décrites également comme pilules plus récentes et plus anciennes. Cette pratique a causé une grande confusion. Il n'y a pas de justification biologique intrinsèque pour ces regroupements. Des comparaisons de produits spécifiques seraient préférables, mais peuvent avoir une puissance trop faible voire être impossibles en raison du trop petit nombre de sujets utilisant un produit donné. Les principaux regroupements concernent des produits contenant du levonorgestrel et parfois de la noresthisterone (avec moins de 50 mg d'oestrogene) en tant que " 2ème génération " et les produits contenant du gestodene ou du desogestrel comme " 3ème génération ". Selon les études, les pilules contenant du norgestimate ont été placées dans l'une ou l'autre de ces catégories. Les produits monophasiques et multiphasiques ont été fréquemment regroupés. Les regroupements de produits sont efficaces sur le plan statistique, mais aucun critère strictement biochimique, métabolique ou clinique ne justifie cette classification. Le fait de définir les COC comme " plus récents " et " plus anciens " pouvait avoir autant de valeur que d'autres approches [15]. Les regroupements ont généré beaucoup de confusion et risquent d'invalider les conclusions d'études individuelles, dont les résultats ont pourtant contribué à la récente panique sur la pilule.
Nous désapprouvons l'approche qui consiste à regrouper les produits en groupes et comparer ces groupes. Dans aucune des études épidémiologiques publiées jusque là sur les risques et bénéfices des COC, de tels regroupements n'avaient été faits. Dans le but d'évaluer la VTE et les autres risques, si des comparaisons doivent être faites, les comparaisons groupées doivent être justifiées par une raison biologique incontournable. Ceci n'est pas le cas des définitions récentes de " 2ème et 3ème génération " qui n'ont aucune justification biologique.
Un compte-rendu des études de laboratoire qui évaluent les effets des COC sur les facteurs de coagulation a été présentée lors de la réunion. Il y a de nombreuses études de ce type, portant souvent sur un seul produit. Comme les techniques de laboratoire ont continué à évoluer, il est difficile de faire des comparaisons entre ces études menées au fil des ans selon différentes techniques de laboratoire. La principale conclusion est, cependant, qu'il n'y a pas de différence évidente ni subtile entre les différentes pilules plus récentes et plus anciennes en ce qui concerne leurs effets sur le système de la coagulation du sang [16]. Cela signifie que nous n'avons pas d'explication biologique plausible pour les différences qui ont été constatées dans les études épidémiologiques.
Afin d'évaluer l'impact des contraceptifs oraux sur la maladie cardio-vasculaire dans la vie féminine, il nous faut utiliser des estimations de l'incidence, de la mortalité et de l'invalidité induites par ces affections. Il y a des différences selon les pays dans les taux d'incidence et de mortalité. Ces différences peuvent être dues à des facteurs environnementaux et génétiques, ainsi qu'à des différences dans le diagnostic des maladies. Ci-après, un compte-rendu concis; pour un traitement plus détaillé de la question, se référer à d'autres sources [17, 18].
La Thromboembolie Veineuse (VTE)
Cette affection inclue les thrombophlébites et les embolies pulmonaires, lesquelles sont toutes les deux difficiles à diagnostiquer. L'incidence générale de la VTE primaire est de moins de 10 cas par an sur 10.000 femmes âgées de 15 à 44 ans. Environ 1 à 30% des cas de VTE reconnus sont mortels. Dans environ 5% des cas, il y a des séquelles à long terme [9, 10, 17]. Les principaux facteurs de risque pour la VTE primaire sont l'âge, l'obésité et les antécédents familiaux. Il y a seulement une petite augmentation de la VTE primaire avec l'âge, tandis que la VTE provenant d'un traumatisme, d'une opération, de l'immobilisation et du cancer augmente avec l'âge, en raison de l'augmentation de ces pathologies. L'obésité peut multiplier le risque de VTE par 2 à 4. Des antécédents familiaux proches de VTE primaires peuvent être en rapport avec une anomalie héréditaire qui augmente le risque des membres de la famille à environ 30 cas pour 100.000 femmes. La maternité est un facteur de risque majeur; la VTE peut survenir dans 60 à 80 cas pour 100.000 femmes enceintes ou puerpérales. Si les varices peuvent être un facteur de risque de phlébite superficielle, il n'y a pas d'accord général sur le fait qu'elles soient un facteur de risque de thrombose veineuse grave.
Les études ont longtemps indiqué une augmentation de la VTE chez les femmes qui utilisent des contraceptifs oraux. Des études plus anciennes présentaient une relation entre la dose d'œstrogène et le degré du risque; cependant, les études plus récentes, qui incluent des femmes utilisant des pilules dosées à moins de 50 mg d'œstrogène, ne montrent pas de bénéfice à une diminution plus importante de la dose d'œstrogène. Contrairement à tout raisonnement biologique, certains des résultats récents semblent indiquer que les femmes qui utilisent des COC contenant 20 mg d'œstrogène ont un risque plus grand de VTE que les femmes qui utilisent des COC avec plus d'œstrogène. Concernant le type de progestatif, certaines des études récentes [3, 11] ont trouvé une différence entre les pilules qui contiennent des progestatifs plus anciens et plus récents. Une telle différence n'apparaît plus dans les dernières études et analyses, lorsque les données sont contrôlées pour l'âge et la durée d'utilisation du contraceptif oral [7, 9, 12, 13].
Il y a des prédispositions génétiques à la VTE telles que la résistance à la Protéine C Activée et d'autres prédispositions encore non identifiées. Aujourd'hui, il n'y a pas de marqueur connu qui soit spécifique. Leur valeur prédictive positive est faible. En se basant sur des repères génétiques de sensibilité, on ne donnerait pas la pilule à de nombreuses femmes qui présentent en fait un faible risque absolu de VTE. Le meilleur moyen aujourd'hui pour connaître la prédisposition est de rechercher les antécédents familiaux et personnels. Si une femme a une prédisposition, la VTE peut survenir rapidement lors de l'utilisation de la pilule, et elle arrêtera de la prendre - des femmes prenant la pilule plus longtemps peuvent être considérées comme une population à faible risque (absence de prédisposition). Mais la démonstration génétique d'une prédisposition ne permettrait pas de prédire à 100 % une thrombose clinique.
Les accidents cérébro-vasculaires (CVA)
L'accident cérébro-vasculaire comprend à la fois l'attaque thrombotique et l'attaque hémorragique. Certains chercheurs ont aussi inclus dans leurs analyses les attaques ischémiques. L'incidence de ces accidents chez les femmes en âge de procréation va de 1 cas pour 100.000 femmes par an parmi les plus jeunes, à environ 10 cas pour 100.000 femmes par an parmi celles qui ont entre 40 et 44 ans. Dans l'ensemble, l'attaque cérébrale est presque aussi rare que la VTE chez les jeunes femmes et est plus fréquente chez les femmes de plus de 40 ans. Comme cela est le cas pour toutes les maladies cardio-vasculaires, il y a grande une variation dans les taux d'incidence suivant la région et la méthode de diagnostic de la pathologie. La mortalité suite aux accidents cardio-vasculaires s'élève à 25% et à long terme, il y a une morbidité substantielle parmi les survivantes. Les principales causes identifiables des CVA sont l'usage du tabac et l'hypertension. Selon les études récentes, le risque d'attaque cérébrale associée au COC continue à diminuer avec l'abaissement de la dose d'œstrogène et son risque n'est pas lié au type de progestatif [5, 6, 10].
L'Infarctus Aigu du Myocarde (AMI)
L'Infarctus Aigu du Myocarde est très rare chez les jeunes femmes en âge de procréer et augmente de manière importante avec l'âge en raison d'autres pathologies. L'incidence chez les jeunes femmes en âge de procréation est inférieure à 1 cas pour 100.000 et passe à 30 cas pour 100.000 chez les femmes âgées de 40 à 44 ans. 80% des cas chez les jeunes femmes sont liés à l'usage du tabac. Il n'est pas possible de calculer avec précision le risque d'AMI chez les jeunes femmes non fumeuses parce qu'il y a trop peu de cas dans ce groupe. La mortalité à court terme suite à l'Infarctus Aigu du Myocarde est d'environ 30% et il n'y a pas de morbidité substantielle à long terme. A part l'usage du tabac, les principaux facteurs de risque sont l'hypertension et le diabète.
Comme cela a été montré à la fois dans les études épidémiologiques anciennes et récentes, les risques d'AMI chez les utilisatrices de COC sont étroitement liés aux risques dus à l'usage du tabac. Il apparaît que les pilules faiblement dosées contenant du gestodène et du désogestrel n'augmentent pas le risque d'AMI. Cependant, d'autres COC à faible dose d'œstrogène peuvent augmenter le risque d'AMI [4, 8].
Synthèse
Le tableau 1 montre l'incidence de l'Infarctus du Myocarde, de l'attaque cérébrale et de la thromboembolie veineuse en fonction de l'utilisation de COC. Cette présentation est délibérément simplifiée et concise à l'usage des cliniciens qui peuvent manquer de temps pour lire et évaluer des études épidémiologiques plus détaillées et rigoureuses [17, 18]. Comme la fréquence des maladies cardio-vasculaires varie avec l'âge, les estimations sont données séparément pour les femmes âgées de 20 à 24 ans qui représentent le groupe d'âge qui utilise le plus les contraceptifs oraux et pour les femmes de 40 à 44 ans qui appartiennent au groupe d'âge qui a le plus grand risque de complications cardio-vasculaires. L'incidence chez les non-utilisatrices de contraceptifs oraux a été calculée en faisant une moyenne à partir des nombreux taux d'incidence rapportés à travers le monde.
Ces taux d'incidence ne s'appliquent pas exactement à une population donnée, mais ils donnent une indication sur l'importance de ces problèmes parmi les jeunes femmes. L'incidence chez les femmes utilisant des contraceptifs oraux "anciens" et "récents" a été calculée en identifiant un risque relatif, puis en multipliant ce risque relatif par l'incidence chez les non-utilisatrices. Pour chaque groupe de femmes, un total indique également l'incidence de l'ensemble des maladies cardio-vasculaires sur ce groupe. Les risques relatifs qui ont été sélectionnés représentent une valeur moyenne des nombreuses publications récentes. Cette approche ne tient pas compte de l'imprécision statistique des risques relatifs individuels ni des différences de taille, de qualité et d'approches analytiques des études, ni de leurs résultats individuels. Pour mieux interpréter ces limitations, une fourchette a été calculée pour l'incidence de la VTE chez les utilisatrices de contraceptifs oraux récents, en multipliant le taux d'incidence chez les non-utilisatrices par les risques relatifs les plus faibles présentés pour chacun des résultats dans deux sous-groupes, et de manière similaire pour les risques relatifs les plus élevés, puis en additionnant ces résultats.
Il y a plusieurs leçons à tirer de ces tableaux. Tout d'abord, toutes les maladies cardio-vasculaires sont rares chez les femmes âgées de 20 à 24 ans, qu'elles utilisent ou non des contraceptifs oraux. Les différences trouvées entre les contraceptifs oraux anciens et récents viennent des différences dans l'incidence de la thromboembolie veineuse. Il n'a pas encore été donné d'explication claire à ces différences, bien que selon certains enquêteurs, les différences disparaissent lorsque la durée totale d'utilisation des contraceptifs oraux est prise en compte dans les analyses [9, 15], lorsque les analyses tiennent compte de l'âge par année [12, 13], ou lorsque les effets séculiers de la commercialisation de nouvelles pilules sont pris en compte [19]. A l'âge de 40-44 ans, l'incidence des CVD est plus élevée, notamment à cause de l'augmentation de l'incidence de l'AMI. Dans ce groupe d'âge, l'incidence totale parait être plus faible chez les utilisatrices de pilules récentes, parce qu'il y a moins de cas d'AMI dans ce groupe. Il n'y a pas encore d'explication claire à cette différence apparente entre les pilules anciennes et récentes. L'impact quantitatif d'autres facteurs de risque sur les maladies cardio-vasculaires sort du cadre de cette présentation; cependant, l'usage du tabac, l'hypertension et l'obésité ont tous les trois un impact plus grand sur le risque de maladie cardio-vasculaire que l'utilisation de COC faiblement dosés.
Le Tableau 2 évalue la mortalité par CVD observée chez les jeunes femmes utilisant ou non des COC. Les calculs présentés dans ce tableau ont été effectués de la même manière que ceux du tableau 1 ; cependant, il y a une limitation supplémentaire importante, à savoir : presque toutes les études qui ont évalué l'effet de l'utilisation de contraceptifs oraux sur les maladies cardio-vasculaires n'ont pris en compte que les cas de femmes ayant survécu à leur accident cardio-vasculaire. L'effet de la contraception orale sur le risque de mort ou la survie suite à une maladie cardio-vasculaire peut être différent : les chiffres présentés dans le tableau 2 supposent que les effets des contraceptifs oraux ne sont pas liés à la gravité de la maladie. De plus, les taux de mortalité de référence proviennent de différentes sources d'information et sont donnés pour des groupes d'âge différents de ceux du tableau 1. La mortalité due aux maladies cardio-vasculaires est substantiellement plus faible que l'incidence, notamment pour la thromboembolie veineuse. En dehors de cela, les relations présentées sont semblables à celles données pour l'incidence parce qu'elles ont été calculées en utilisant les mêmes hypothèses.
Questions de Santé Publique
A cause de la publicité défavorable qui a suivi la diffusion des résultats des études sur les contraceptifs oraux et les maladies cardio-vasculaires en Octobre 1995, un nombre significatif de jeunes femmes ont arrêté d'utiliser des contraceptifs oraux. Les taux d'avortements se sont élevés au Royaume-Uni, de même que le nombre de conceptions et de naissances. Des changements similaires se sont produits en Norvège et ont aussi été temporellement liés à la publicité défavorable sur les contraceptifs oraux. Cette publicité a provoqué une crise de confiance, particulièrement chez les jeunes femmes, dans les pays où les autorités réglementaires ont imposé des restrictions à l'utilisation des nouveaux contraceptifs oraux (Norvège, Royaume-Uni, Allemagne), mais n'a pas affecté les pays où aucune restriction n'a été appliquée (Finlande, Danemark, France). Une conséquence à court terme a été que de nombreuses utilisatrices de contraceptifs oraux ont arrêté de prendre leur pilule par peur des effets secondaires et ne lui ont substitué aucune autre méthode de contrôle des naissances. Comme l'on s'y attendait, il y a eu une augmentation des maternités non désirées et des avortements. Une conséquence à long terme pourrait être que de nombreuses jeunes femmes ne prendront jamais un contraceptif oral par peur du danger lié à cette méthode, danger qui est perçu de manière exagérée. Ce phénomène est appuyé par des données qui montrent que encore 3 ans après la dernière alarme sur la pilule, les prescriptions de contraceptifs oraux ont baissé de 30% au Royaume-Uni, notamment chez les femmes les plus jeunes.
Dans le passé, les autorités réglementaires pharmaceutiques réagissaient avec prudence, mettaient en avant le débat scientifique et n'agissaient jamais avec précipitation tant que de nouvelles études n'étaient venues compléter notre savoir. Ce qui a malheureusement caractérisé la récente alarme sur la pilule fut que l'action réglementaire est survenue bien avant que les résultats soient soumis à un examen critique attentif. A l'avenir, un certain nombre de précautions doivent être prises pour éviter ce type de panique intempestive :
1 - Les éditeurs doivent faire preuve de vigilance pour s'assurer que la manière dont les données sont présentées ne conduit pas à une alarme injustifiée et qu'au contraire, ces données sont placées dans une perspective appropriée.
2 - Les autorités réglementaires doivent comprendre que les conséquences en Santé Publique de la restriction d'un médicament ou d'une combinaison de médicaments d'usage répandu sont très différentes de l'effet du report de l'acceptation d'un nouveau médicament. Par conséquent, elles doivent d'abord évaluer si le risque observé est réel,; elles doivent ensuite évaluer comment le risque observé change le profil bénéfice/risque du médicament, à la lumière des effets bénéfiques spécifiques de ces médicaments, elles doivent évaluer de manière attentive les conséquences en Santé publique de leur restriction ou de leur non restriction, ainsi que les conséquences à long terme de ces effets. Dans le même temps, les autorités réglementaires doivent informer la profession médicale des découvertes publiées, de l'action qu'elles entreprennent pour évaluer la situation et de la manière d'informer correctement les utilisatrices. C'est seulement une fois qu'une telle évaluation est terminée que l'action réglementaire devient appropriée.
Conclusion - évaluation clinique et recommandations
Après un examen serré et minutieux, le Comité d'Evaluation de l'IFFS ne voit aucune raison de conseiller une prescription sélective de contraceptifs oraux contenant différents progestatifs en se basant sur leurs effets sur les maladies cardio-vasculaires. Les précautions usuelles à prendre pour choisir les candidates aptes à prendre des contraceptifs oraux doivent être appliquées (OMS, 1996). Les fumeuses, les femmes qui souffrent d'obésité, d'hypertension, de diabète ou qui ont des antécédents familiaux personnels de thrombose devront faire l'objet d'une évaluation individuelle des risques de maladie cardio-vasculaire encourus, qu'elles utilisent ou non des contraceptifs oraux; c'est seulement après cette évaluation qu'elles pourront prendre des décisions contraceptives en connaissance de cause et modifier les facteurs de risque lorsque cela est possible. A ce stade, l'on déconseille la pratique d'un examen spécialisé de la coagulation. Si un parent, un frère ou une sœur d'une utilisatrice potentielle de contraceptifs oraux a souffert d'une thrombose veineuse primaire (idiopathique), l'on peut envisager cet examen. Cependant, des tests de dépistage ont peu de valeur préventive et risquent de faire interdire l'utilisation de contraceptifs oraux à des femmes qui auraient pu les utiliser sans danger.
En dépit du débat qui se poursuit sur les rares effets cardio-vasculaires des COC, dans leur ensemble, les bénéfices des COC sur la santé l'emportent largement sur les risques, à condition qu'une évaluation soit menée sur toutes les utilisatrices potentielles. N'importe lequel des contraceptifs oraux actuels faiblement dosés en œstrogène, quel que soit le progestatif qu'il contient, est plus bénéfique pour la santé d'une femme à court et à long terme que l'alternative qui consiste à utiliser un mode de contraception moins efficace ou pas de contraceptif du tout. Les femmes qui envisagent de prendre des COC doivent être rassurées.
Tableau 1. Incidence des maladies cardio-vasculaires
selon la condition, l'âge et l'utilisation courante
d'un contraceptif oral. Taux pour 100.000 femmes par an
20-24 ans utilisation de contraceptif oral
Aucun |
"Ancien"* |
"Nouveau"* |
|
Infarctus du Myocarde |
0.2 |
0.5 |
0.2 |
Attaque ischémique |
1.0 |
2.5 |
2.5 |
Attaque hémorragique |
2.0 |
2.0 |
2.0 |
Thromboembolie veineuse |
3.0 |
9.6 |
7.7-21.1 |
Total Mortalité due aux Maladies cardio-vasculaires (fourchette**) |
6.2 |
14.6 |
11.4-25.8 |
40-44 ans utilisation de contraceptif oral
Aucun |
"Ancien"* |
"Nouveau"* |
|
Infarctus du Myocarde |
30.0 |
78.0 |
30.0 |
Attaque ischémique |
2.0 |
5.0 |
5.0 |
Attaque hémorragique |
7.0 |
14.0 |
14.0 |
Thromboembolie veineuse |
6.0 |
19.2 |
15.4-42.2 |
Total CVD*** (fourchette**) |
45.0 |
127.0 |
64.4-91.2 |
* Tous les contraceptifs oraux contenant 50 mg d'œstrogène ou moins. La plupart contiennent 25 mg ou moins. "Ancien" se réfère aux contraceptifs oraux contenant du levonorgestrel et parfois de la noresthisterone. "Récent" se réfère aux contraceptifs oraux contenant du desogestrel ou du gestodene.
** La série est dérivée des risques relatifs faibles et élevés publiés pour l'association de la pathologie à l'utilisation du contraceptif oral.
*** CVD = Maladies Cardio-vasculaires.
Tableau 2. Mortalité par maladie cardio-vasculaire selon la condition, l'âge et l'utilisation courante d'un contraceptif oral. Taux pour 100.000 femmes par an.
15-24 ans utilisation de contraceptif oral
Aucun |
"Ancien"* |
"Nouveau"* |
|
Infarctus du Myocarde |
0.1 |
0.3 |
0.1 |
Attaque (de tous types) |
1.0 |
1.5 |
1.5 |
Thromboembolie veineuse |
0.1 |
0.3 |
0.2-0.7 |
Total Mortalité due aux Maladies cardio-vasculaires (fourchette**) |
1.2 |
2.1 |
1.8-2.3 |
35-44 ans utilisation de contraceptif oral
Aucun |
"Ancien"* |
"Nouveau"* |
|
Infarctus du Myocarde |
3.0 |
7.8 |
3.0 |
Attaque (de tous types) |
6.0 |
12.0 |
12.0 |
Thromboembolie veineuse |
0.2 |
0.6 |
0.5-2.8 |
Total Mortalité due aux Maladies cardio-vasculaires (fourchette**) |
9.2 |
20.4 |
15.5-17.8 |
* Tous les contraceptifs oraux contenant 50 mg d'œstrogène ou moins. La plupart contiennent 25 mg ou moins. " Ancien " se réfère aux contraceptifs oraux contenant du levonorgestrel et parfois de la noresthisterone. " Récent " se réfère aux contraceptifs oraux contenant du desogestrel ou du gestodene.
** La série est dérivée des risques relatifs faibles
et élevés publiés pour l'association de la pathologie
à l'utilisation du contraceptif oral.
Références
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