Exploration du désir sexuel chez quatre femmes dans une perspective féministe
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1.3 Le désir sexuel et le féminismeLe désir sexuel a été défini par divers sexologues et psychologues. Plusieurs facteurs lui semblent attribués: besoin, pulsion, processus en mouvement, état psycho-affectif ou tension sexuelle. Les auteures féministes, préoccupées à dénoncer l'oppression des femmes pendant plusieurs années, ne semblent pas avoir cherché à le définir ou à vérifier si l'oppression pouvait avoir un impact sur le désir sexuel. À travers les écrits féministes traitant de sexualité, nous retrouvons quelques essais démontrant une tentative de saisir la nature du désir sexuel féminin. Souvent des bouts de phrases sortis d'on ne sait où exactement témoigneraient du peu d'intérêt accordé à cette question par les différentes auteures féministes. Il n'est guère surprenant de constater que c'est du côté des féministes françaises que l'on retrouverait le plus de tentatives de définitions qui s'avèrent très abstraites voire métaphoriques. Leclerc nous dit que le désir, ce serait exister hors de soi, quand l'être s'entamerait et se déchirerait. Irigaray refuserait quant à elle, tel qu'elle l'indique dans son livre Éthique de la différence sexuelle, de lui assigner une définition permanente qui reviendrait à le supprimer totalement. Cixous et al., de leur côté, croient que le désir serait un déplacement de ce que l'on n'aurait pas. Collin, moins abstraite que ses consoeurs, dissocie le désir du besoin. Une fois trouvées les auteures féministes abordant de manière très floue il faut le dire, le désir, nous nous demandons de quel désir elles parlent. Désir, désir sexuel, désir de s'accomplir, désir d'être mère, désir de plaire, tous se retrouveraient mélangés les uns aux autres. Au cours d'un même paragraphe ou d'une même phrase, deux formes de désir pourraient être abordées mais sans jamais nous en indiquer la nuance ou les différences pouvant les distinguer. Une des associations que l'on retrouverait le plus souvent est celle du désir et de l'amour. Irigaray, tout comme Leclerc, confond les deux notions. À certains moments, elle nous laisserait croire que l'un n'irait pas sans l'autre: "Un retour aux origines de notre culture révèle... amour et désir, en elle, n'était pas séparés." [Luce Irigaray, J'aime à toi: Esquisse d'une félicité dans l'histoire, Paris, B. Grasset, 1992, p. 210.] Quelques essais liant l'oppression des femmes et leur désir, parfois leur désir sexuel, apparaissent au cours d'un texte. On y dénoncerait la répression du désir chez les femmes. Collin, analysant les normes imposées au corps des femmes, croit que celles-ci lui laisseraient une voie étroite à l'intérieur de laquelle le désir s'y étendrait. Cixous et Clément ne niant pas l'existence du désir chez la femme, sont d'avis que le désir de la femme doit pour s'exprimer prendre mille détours et doit souvent se résoudre à la comédie. Selon elles, tout rappellerait à la femme qu'il n'y aurait pas de place pour son désir. Greer serait une des rares féministes anglaises qui établirait un lien entre l'oppression des femmes et leur désir sexuel. Selon elle, la femme apprendrait à refouler son désir sexuel mais aussi toute forme de désir. Si bien qu'une fois adulte, la femme serait convaincue qu'il n'aurait jamais existé. Seul désir qui lui serait permis, le désir de la maternité serait perverti par l'image déformée qu'on lui en aurait inculquée. On lui apprend à le refouler non seulement au cours de ses rapports sexuels mais aussi (car la relation est confusément comprise) dans tous ses autres contacts avec le monde depuis la toute petite enfance. Si bien que lorsqu'elle prend conscience de sa sexualité, les habitudes acquises ont une force d'inertie suffisante pour étouffer le désir et la curiosité. [Germaine Greer, La femme eunuque, Paris, Robert Laffont, 1970, p. 88.] Cherchant à saisir ce que serait un désir féminin, pas nécessairement un désir sexuel féminin, les auteures féministes auraient jeté quelques bases chancelantes. Là aussi abstraite, Leclerc affirme que le désir serait le trouble, l'effacement, l'ébranlement des limites propres à l'autre. Désirer commencerait par le désir de soi, comme nous l'indique Collin. Elle semble inviter les femmes à s'assumer comme désir, c'est-à-dire quitter le miroir de l'autre, courir le risque. Elle semble les inciter à se perdre pour se retrouver. Irigaray, abordant le désir sexuel dans son livre J'aime à toi: Esquisse d'une félicité dans l'histoire, parle quant à elle de désir pour soi. Elle semble vouloir le dissocier de la famille et de la maternité. Selon elle, il ne devrait pas avoir sa fin dans la famille, l'État ou la religion. Après la lecture de différents écrits féministes traitant de la sexualité féminine, et qui n'abordent que très rarement le désir sexuel, nous estimons qu'il demeure difficile d'y dégager une définition du désir sexuel. Le caractère infini et abstrait des tentatives ayant eu lieu afin de saisir la nature du désir sexuel, de même que la confusion existant entre le désir sexuel et les autres formes de désir, ne nous permettent pas d'avancer une définition du désir sexuel qui dépeindrait avec justesse ce que pensent les auteures féministes à ce sujet. Ainsi, nous croyons qu'à ce stade de notre étude, il est préférable de se garder de définir plus avant le désir sexuel. |
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