Exploration du désir sexuel chez quatre femmes dans une perspective féministe
|
|||||||
3.3.2 La séduction comme unique source de valorisationNous avons déjà vu précédemment comment la séduction semblait être le but de la sexualisation du corps de la femme et ce que signifierait être une femme féminine. Dans cet article, nous verrons quelle place semble prendre la séduction chez la femme quand cette séduction va de pair avec la valorisation d'elle-même. Cherchant la valorisation par le biais de la séduction, la femme la recevrait de l'homme. La féminité, qui ferait en sorte que la femme serait "castrée d'elle-même", l'amènerait à rechercher sa valorisation à l'extérieur d'elle-même. "Castrée d'elle-même", la femme se trouverait aussi "castrée" de son désir sexuel. Deux des femmes que nous avons interrogées ont indiqué la séduction comme source de valorisation. Tara et Line sont celles qui se rejoignent à ce niveau. Elles se différencient de Myriam et France par l'importance qu'occuperait la séduction chez elles mais aussi par le sens que prendrait la séduction pour elles. Comme nous le verrons plus loin, le romantisme serait ce qui revêtirait le plus d'importance pour Myriam alors que chez France l'importance résiderait dans le respect de ce qu'elle est. Tara et Line sont les deux femmes chez qui nous retrouvons une grande valeur rattachée à la sexualité et à la séduction. Chacune à sa façon démontre cette importance que prendraient la sexualité et la séduction chez elles. Tara dira d'elle qu'elle est ce qu'il serait convenu d'appeler une femme "chaude". Selon elle, elle serait "cochonne", "bouillante" et très sensuelle. Je le sais que je suis ben facile à supplier (rires) pour ce qui est de ça là. Ouais ben c'est pour ça que je suis ben très, très euh... ben c'est plus, plus t'entres là-dedans, plus, plus je suis euh... je suis ben bouillante là tsé comme on dit euh... y'a plus de stocks là. (sic) (5-7) Surtout quand je cherche un gars pis tout ça euh... moi j'ai des gros désirs. C'est , c'est... j'ai toujours été une femme chaude fait que... c'est assez heavy parce qu'il faut que... (sic) (5-1) Quand tu pars une chose j'suis ben cochonne tsé j'essaye beaucoup de choses. (sic) (5-5) De son côté, Line affirme qu'il serait naturel de se mettre en valeur et d'attirer les regards: "Se montrer, s'attirer vers soi. On peut pas dire que t'es une si, une salope." (sic) (3-30) "Faut que tu t'acceptes parce que tu euh... t'as pris le temps de t'arranger ben c'est normal que les gens te regardent." (sic) (3-31) Elle serait très directe lorsqu'elle tenterait de séduire. Elle aurait même déjà cru faire peur aux hommes en tentant de les séduire: "J'ai déjà pensé que je pouvais faire peur ou qu'il pouvait penser que j'étais comme ça avec tout le monde tsé. C'est pas tout à fait vrai." (sic) (3-29) Pour elle, montrer de la peau serait ce qu'il y aurait de plus normal. Elle s'offusquerait de l'interdit qui semblerait peser sur ce genre de démonstration: "Comment y'ai fait tsé comment... t'as des seins. Tu vas pas faire exprès pour te cacher. Tu devrais avoir le droit, le goût de montrer un peu de peau quand même. On devrait avoir le droit de faire ça." (sic) (3-25) Toutes deux semblent démontrer un intérêt marqué pour la sexualité. Nous avons déjà vu que pour Tara, l'habillement, le poids du corps et le maquillage semblent posséder un caractère sexuel. Ils lui permettraient de séduire l'homme. À travers le résultat de sa séduction, elle irait chercher de la valorisation. Pour elle, il semblerait important qu'on lui fasse des compliments: "Juste des compliments là tsé. Je trouve là que ça valorise. Quand quelqu'un me donne des compliments pis euh on me dit "t'embellis de plus en plus"." (sic) (5-26) Elle serait d'avis que la femme rechercherait la valorisation: "Chez une femme, on est plus porté à vouloir être appréciée à quelque part tsé. On recherche beaucoup ça" (sic) (5-28) Mettant l'accent sur l'importance pour la femme de se faire "cruiser" de même que sur l'importance de montrer un peu de peau, Line partagerait son avis: "Dans le fond, la femme a la besoin de se faire cruiser." (sic) (3-44) "Premièrement, on est plus confortable pis euh on est plus séduisante pis on est plus... pour nous on se valorise en faisant ça. On se trouve belle tsé." (sic) (3-25) Étant seule présentement, sans un homme partageant sa vie, Tara souligne qu'elle n'aurait plus personne pour la complimenter. Les compliments semblant devoir venir des hommes, elle n'aurait plus de source de valorisation. Une des sources de valorisation qu'elle avait aurait disparu. En effet, elle tirerait de la valorisation de ses relations sexuelles avec les hommes. Étant expérimentée en matière de sexualité, les hommes l'apprécieraient: "Y'a beaucoup trop de gars qui m'ont trouvée ben expérimentée, plus expérimentée qu'eux autres. Fait que c'est comme pour moi c'est important. Ça me valorise." (sic) (5-52) N'ayant plus de relations sexuelles d'où elle retirerait de la valorisation, elle s'efforcerait de se maquiller afin d'être belle et ainsi pouvoir se valoriser. Quelqu'un qui t'apprécie parce que tsé comme moi je suis une femme seule, pis euh j'ai pu personne pour me dire des compliments. Pu personne tsé t'es obligée de t'en faire toi-même. C'est pour ça de temps en temps tu te maquilles. Tu dis "ah je suis une femme, je peux me faire un compliment, je suis belle aujourd'hui". (sic) (5-28) Disant vouloir plaire à tout le monde, elle explique que ce besoin d'être complimentée s'étendrait plus loin qu'à la sphère sexuelle de sa vie: "C'est important pour moi de plaire à tout le monde. Pas sur le point de vue euh comme on dit euh... point de vue sexuel. C'est pas ça. C'est euh point de vue de toutes tes qualités. Toutes tes qualités que t'as, tu les mets en valeur." (sic) (5-43) Si un homme lui cachait quelque chose qu'il n'aimerait pas d'elle, et qu'elle l'apprendrait, elle en serait perturbée: "S'il aime pas quelque chose sur moi, il fait mieux le dire tout de suite parce que si je le découvre... c'est euh désolant pour moi parce que ça me perturbe des fois ça." (sic) (5-23.1) Pour sa part, Line irait chercher sa valorisation en séduisant et/ou en étant séduite. Selon elle, la femme devrait se faire "cruiser" (sic). Ce serait très valorisant pour elle car elle irait y chercher sa valeur: "T'es toute comme importante tout d'un coup là, plus importante que d'habitude." (sic) (3-45) Quand cela lui arrive, Line entre chez elle encouragée à "s'arranger" encore plus. Elle trouverait normal que les gens la regardent car elle aurait pris du temps à se mettre en valeur. Elle accepterait ainsi d'être regardée: "C'est normal, tout le monde vont te regarder. T'as le sourire fendu jusqu'ici." (sic) (3-31) Tara estime que la femme aurait besoin de compliments et Line, pour sa part, considère que la femme aurait besoin de se faire "cruiser" (sic): "Dans le fond, la femme a la besoin de se faire cruiser." (sic) (3-44) En fait, la femme aurait besoin de valorisation. Cette valorisation semblerait devoir venir de l'homme. Convaincue que la femme aurait besoin de se faire "cruiser" (sic), Line affirme que celle-ci se découragerait si elle ne l'était pas: "Ben en espérant que ce soir-là t'avais pas, t'avais pas sortie avec le désir de te faire cruiser parce que tu vas être déçue pas mal." (sic) (3-48) Afin de remédier à la situation, toujours en quête de valorisation, la femme devrait se changer physiquement. Si elle ne le faisait pas, elle s'isolerait et n'obtiendrait pas sa valorisation: "Elle va changer [...] de spot ou trouver des nouveaux amis ou ben a va carrément s'enfermer." (sic) (3-46) Toutes deux semblent faire valoir l'importance de la séduction chez la femme, soit d'aller chercher de la valorisation. Irigaray estime que la "castration accomplie" de la femme ne lui laisserait que le simulacre de la féminité comme source d'identité, tel qu'elle l'indique dans son livre Spéculum de l'autre femme. Nous pensons que du fait d'être "castrée d'elle-même" ou d'être désincarnée, la femme chercherait sa valorisation non plus à l'intérieur d'elle-même (elle en serait coupée), mais à l'extérieur d'elle-même. Semblant devenue par la féminité autre qu'elle-même ou comme le dit si bien Brownmiller, un être humain tel que l'homme aurait voulu la créer, la femme n'aurait d'autre choix que d'utiliser "sa" féminité, "sa" capacité de séduction afin d'attirer l'homme qui la valoriserait. "Castrée d'elle-même", elle serait aussi castrée de son propre désir sexuel, celui exprimé étant davantage celui que l'homme exige d'elle, que le sien propre. Désirant séduire afin d'être valorisée, nous verrons dans l'article qui suit que la femme fera tout en son pouvoir afin de plaire à l'homme et cela parfois au prix de négliger son propre désir sexuel. |
|||||||
|