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Exploration du désir sexuel chez quatre femmes dans une perspective féministe

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3.6.1 L'amour comme agent de contrôle social

À l'intérieur de cet article de notre étude, nous questionnerons le rôle de l'amour en ce qui a trait à l'expression du désir sexuel féminin. L'expression du désir sexuel de la femme semble être étroitement reliée à l'amour. Les femmes auraient appris à centrer l'expression de leur désir sexuel à l'intérieur d'une relation amoureuse. Ce mariage de l'amour et du désir sexuel féminin serait un agent de contrôle social régissant l'expression du désir sexuel des femmes.

Le courant de pensée du féminisme radical de la spécificité et celui du féminisme de la fémelléité sont les deux courants de pensée féministes ayant amené une réflexion sur le rôle de l'amour chez les femmes et sur le rôle de l'amour dans leur sexualité. Associant son questionnement relatif à la "différence", aux concepts marxistes de production/reproduction, le courant de pensée du féminisme radical de la spécificité aurait questionné le rapport des femmes à l'amour comme dimension de la production domestique. Quant au courant de pensée du féminisme de la fémelléité, il aurait visé la reconnaissance de la différence. Pour ce faire, les écrits émanant de ce courant de pensée ont tenté de reconceptualiser le sexuel et les rapports amoureux.

Tout comme au niveau du désir sexuel, nous retrouvons une certaine confusion en ce qui aurait trait à l'amour dans les écrits féministes. Deux visions principales se confondraient et cela parfois chez la même auteure. On les retrouve entre autres chez Irigaray, dans deux de ces oeuvres, soit Éthique de la différence sexuelle et J'aime à toi: Esquisse d'une félicité dans l'histoire, ainsi que chez Leclerc. Questionnant le concept de la "différence" et tentant de la reconceptualiser, les auteures féministes françaises auraient lié l'amour à la femme en y voyant là une marque de sa différence. D'un autre côté, elles y auraient aussi dénoncé l'acheminement différentiel des femmes et des hommes vers l'amour. Selon elles, cet acheminement différentiel des femmes vers l'amour, en les faisant gardiennes de celui-ci, aurait l'effet d'un contrôle social les liant à la préservation de la famille, du couple et du bien-être des enfants. Soulignant cet acheminement différentiel, Lott précise que la différence se situerait dans la signification donnée à l'amour par les femmes et les hommes.

Nous avons souligné au début de notre étude l'association retrouvée entre le désir et l'amour chez les auteures féministes. Nous retrouvons cette association chez nos sujets à une différence près. Les auteures féministes relient les formes de désir, soit le désir de s'accomplir, le désir d'avoir un enfant et/ou le désir de plaire, à l'amour alors que nos sujets ont tendance à relier plus particulièrement le désir sexuel à l'amour.

Tous nos sujets ne s’entendraient pas nécessairement sur les types de liens à faire entre le désir sexuel et l'amour. Pour France, aimer et désirer ne feraient qu'un. Dès qu'elle n'aime plus, son désir sexuel s'estomperait et elle serait incapable d'avoir des relations sexuelles avec un homme. L'un n'irait pas sans l'autre comme elle le dit si bien: "Je l'aimais plus, parce que pour moi, dans ma tête, quand j'ai réalisé que je l'aimais plus, j'étais plus capable d'avoir des relations avec lui. Parce que pour moi, l'un va pas sans l'autre là. Je suis pas capable." (sic) (2-17)

Line ne partagerait pas son opinion. Il lui arriverait de désirer quelqu'un sans être en amour avec lui. Elle dira de sa dernière relation amoureuse qu'il n'y avait que la sexualité qui les unissait. Il lui serait arrivé de ne pas avoir de désir sexuel lors d'une relation sexuelle mais d'en accepter tout de même l'affection: "Moi, j'ai pas de désir. Qu'est-ce que tu penses qui arrive? Parce que t'acceptes quand même l'affection." (sic) (3-52) Chez elle, désir sexuel et amour semblent avoir trouvé chacun une place distincte: "Tsé, on mélange trop l'amour... responsabilité... sexualité. Je pense que c'est trois choses..." (sic) (3-21)

Myriam, pour sa part, serait en contradiction avec elle-même de ce côté. Elle affirme que lorsqu'il n'y a plus d'amour, elle n'aurait plus de désir sexuel. Plus tard dans l'entrevue, elle séparera amour et désir sexuel pour affirmer qu'elle aurait déjà désiré quelqu'un sans être toutefois en amour avec cette personne: "Je pense que l'on peut aimer et... non attends. Moi ça m'est déjà arrivé, c'est que je n'avais plus d'amour et je n'avais plus de désir." (sic) (4-51) "Et d'autres fois, on n'aime pas... non attends. On n'aime pas mais on a un désir." (sic) (4-52)

Malgré cette ambiguïté, Myriam serait claire sur un point. Elle voudrait retrouver simultanément l'amour et le désir sexuel.

Aimer et le désir. C'est que, on n'est pas obligé d'aimer pour avoir un désir. Pour moi, pour moi comme je te dis, pour moi, j'aimerais avoir l'amour et le désir parce que c'est un plus pour moi que je veux, que je recherche. Mais il y a bien des fois que l'amour et le désir sont complètement séparés comme je te disais tantôt. (sic) (4-51)

Pour elle, l'amour comporterait trois aspects essentiels qui seraient la confiance, le dialogue et le respect. Sans ces derniers ou un de ces derniers, il n'y aurait pas d'amour.

L'amour pour moi c'est, c'est euh... c'est que, c'est que il y trois priorités pour moi. Si je n'ai pas une de ses priorités-là, il n'y aura pas d'amour. il faut que j'aie la confiance. Si je n'ai pas de confiance avec la personne, ça marchera pas. Il faut que j'aie le dialogue aussi avec la personne. Si j'ai pas de dialogue, y'a rien à faire. Et mon troisième, attends un petit peu... euh... la confiance, le dialogue... faut que je le trouve. Il est très important. (sic) (4-53)

Oui, j'ai trouvé ma troisième. Le respect. Le respect. Mon respect est très important. Si je n'ai pas ça, y'a rien à faire. Y'a rien à faire. (sic) (4-57)

Ayant une vision tout à fait romantique de l'amour, Myriam spécifie que l'amour équivaudrait à ne former qu'une seule personne: "Mais en tout cas, pour moi c'est ça mes trois priorités. Pour moi, c'est ça l'amour. Tsé qu'on, qu'on ne fait qu'une personne. Tsé le couple ne fait qu'une personne. Pour moi, c'est ça." (sic) (4-53) Élaborant non pas sur l'amour, mais sur la relation sexuelle, France se dissocierait de Myriam en ce qui a trait à cette croyance à ne former qu'une seule personne: "Mais... c'est le fameux complexe de Cendrillon où ce que t'as de besoin d'un homme pour vivre, où ce que ton corps fait juste un tsé deux corps fait juste un tsé. C'est deux corps pas juste un tsé. C'est pas vrai ça. T'es deux personnes. T'en fais pas juste un. T'es deux." (sic) (2-62)

Nous avons déjà souligné qu'il semble exister une confusion entre le désir sexuel et la sexualité chez nos sujets. Cette confusion semble se retrouver aussi dans les données ayant trait à l'amour. Il nous est apparu clair que l'association amour/désir sexuel se faisait très spontanément chez nos sujets. Nous constatons que tout comme la plupart des auteures féministes traitant du désir, parfois du désir sexuel, nos sujets semblent les associer. Si elle n'est guère surprenante, cette association prégnante désir sexuel/amour mériterait qu'on s'y arrête.

Il semble difficile de parler de désir sexuel féminin sans que la notion d'amour ne vienne s'y greffer. Le désir sexuel féminin ne semble pas avoir de vie en dehors de cette association à l'amour. Il semble ne pouvoir exister. Nous avons déjà souligné que le désir sexuel féminin ne trouverait sa place qu'à l'intérieur d'une voie étroite. Nous croyons que cette voie étroite serait composée de l'amour.

Mais au-delà de cette constatation, il demeure une question. À qui et à quoi servirait cette association amour/désir sexuel dans la sexualité féminine? Nous partageons la pensée des auteures féministes en ce qui a trait à l'acheminement différentiel des femmes et des hommes face à l'amour. Lott semble d'avis que les femmes ont appris à être concernées par l'amour. Elles sauraient qu'elles doivent en rêver, l'espérer, l'attendre et vivre pour lui ou, comme le dit Leclerc, être amoureuses de l'amour. Nous croyons qu'elles feraient bien plus que cela. En centrant leurs désirs à travers l'amour, elles allieraient amour/désir sexuel. Ce faisant, elles ne s'aimeraient pas elles-mêmes mais aimeraient d'abord l'autre, l'homme. Et contrairement à ce que revendique Irigaray dans son livre J'aime à toi: Esquisse d'une félicité dans l'histoire, le désir sexuel féminin trouverait ainsi sa fin, son effectivité dans la famille. Selon nous, il trouverait aussi sa fin dans l'amour. L'amour, agissant à titre de contrôle social sur le désir sexuel des femmes, assurerait à l'homme la fidélité de la femme. Il lui permettrait de s'assurer d'un corps reproducteur, lui étant fidèle, pour ses enfants à venir de même qu'il lui permettrait de créer sa famille. Pour la femme, l'amour lié au désir sexuel aurait pour conséquences de lui faire oublier davantage ses propres envies, besoins ou désirs, incluant son désir sexuel, pour se concentrer sur ceux de son conjoint.

Dans l'article qui suit, nous questionnerons l'étendue des choix qui s'offriraient aux femmes en ce qui a trait à l'expression de leur désir sexuel. Nous y verrons comment les images féminines existantes montreraient aux femmes ce que doit être une femme ayant une vie sexuelle active.

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