Exploration du désir sexuel chez quatre femmes dans une perspective féministe
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Au départ, cette étude se voulait un premier effort quant à une analyse féministe du désir sexuel féminin. Peu présente en sexologie, la perspective féministe permettrait l'étude d'une réalité sexuelle donnée en offrant un champ de compréhension différent de ceux déjà proposés en sexologie. Tenant compte du facteur sexiste, la perspective féministe nous offrait une voie susceptible d'expliquer l'idée prédominante dans les écrits sexologiques selon laquelle le manque de désir sexuel serait davantage féminin.
C'est à l'aide d'écrits féministes émanant de trois courants de pensée différents que nous avons étudié le désir sexuel chez la femme. Dès le départ, nous fûmes confrontées à des difficultés. D'une part, les écrits féministes demeurent des écrits davantage littéraires que scientifiques. D'autre part, il s'avérait impossible d'établir une grille d'analyse féministe unique. En dépit de ces difficultés, nous sommes parvenues à identifier des facteurs sexistes susceptibles d'influencer l'expression du désir sexuel de la femme. Afin de nous aider dans notre démarche, nous avons interrogé quatre femmes concernant leur désir sexuel. Ces quatre femmes avaient toutes vécu de la violence conjugale. Par l'analyse des données empiriques et des données théoriques, nous avons identifié six facteurs particuliers qui, associés au désir sexuel de la femme, contribueraient à entraver l'expression de ce dernier. Nous avons vu que la sexualisation du corps de la femme et l'objectivation de la femme étaient des facteurs particuliers associés de prime abord à la sexualité féminine et qu'ils seraient, par extension, associés au désir sexuel féminin et en entraveraient ainsi l'expression. Nous avons aussi observé que la maternité, la confusion quant à la définition du désir sexuel, l'amour et la nourriture étaient des facteurs particuliers associés plus directement au désir sexuel de la femme. Nous croyons avoir atteint en partie l'objectif que nous nous étions fixé au début de notre étude. Nous pensons avoir démontré que les facteurs sexistes avaient une influence sur l'expression du désir sexuel des femmes. Toutefois, nous ne croyons pas avoir réussi à démontrer que ces facteurs pouvaient expliquer l'incidence prétendument plus élevée du manque de désir sexuel chez les femmes. Cette étude présente toutefois certaines limites. D'une part, le nombre des sujets est restreint. Les résultats ne peuvent donc être généralisés et ne peuvent représenter l'expérience de toutes les femmes quant à l'expression de leur désir sexuel. D'autre part, nous reconnaissons aussi des limites à l'analyse féministe. Conscientes de la difficulté que nous avons eue à mettre ensemble des écrits émanant de courants de pensée différents afin de circonscrire notre sujet d'étude, nous estimons que le caractère multiple et divers des courants de pensée féministes serait en soi une limite. Quoiqu'ils permettraient d'éviter un certain dogmatisme, ils rendraient difficile à la chercheuse la tâche de présenter une grille d'analyse claire et précise sur laquelle s'appuierait la démarche de recherche. Nous croyons aussi que constitue une limite, la présomption existant dans l'ensemble des courants de pensée féministes qui prétendrait que le vécu d'une femme serait représentatif du vécu de toutes les femmes. Nous pensons qu'il serait dangereux de présumer une telle chose car cela équivaudrait à ne pas reconnaître le caractère individuel propre à chaque femme. Selon nous, il est vrai que toutes les femmes vivraient l'oppression mais elles le vivraient différemment et/ou à des niveaux qui les dissocieraient les unes des autres. Compte tenu de leur condition commune d'oppression et de la nécessité d'offrir des modèles féminins, nous sommes d'avis que les femmes sexologues seraient celles qui pourraient le mieux aider les femmes dans leur démarche thérapeutique. Par contre, nous croyons que de plus en plus d'hommes seraient sensibilisés et partageraient une analyse féministe de la réalité sexuelle des femmes. Parmi eux, nous pensons que certains seraient en mesure d'aider la femme dans son cheminement, à l'intérieur d'une perspective féministe, en reconnaissant l'influence et l'impact des facteurs sexistes sur l'expression du désir sexuel de la femme. Nous sommes conscientes que la lecture de notre étude laisserait à la lectrice un sentiment de découragement et plus particulièrement, qu'elle laisserait aux hommes un sentiment d'accablement. Nous sommes aussi conscientes que peu de place est laissée aux hommes à l'intérieur de notre étude tout comme à l'intérieur des courants de pensée féministes qui n'auraient pas inclus les hommes dans leur analyse. Nous croyons par contre que les hommes auraient un grand rôle à jouer. L'épanouissement du désir sexuel des femmes ne pourrait se faire sans leur implication. Cette implication pourrait se traduire par une ouverture à la propre définition du désir sexuel des femmes et à son expression. Dans la perspective d'une étude ultérieure, nous croyons qu'il serait pertinent d'étudier l'impact de la conception sociale de la féminité sur le désir sexuel des femmes, le rôle de l'amour à l'intérieur de la sexualité féminine, les effets de l'apprentissage de la peur sur la sexualité féminine de même que les autres problématiques sexuelles présentées par les femmes dans une perspective féministe. Il serait aussi très intéressant et très riche en apport d'étudier l'efficacité d'une approche sexologique d'orientation féministe dans le traitement du désir sexuel. Nous sommes conscientes de la complexité de l'application d'une telle étude. Non reconnue comme approche de traitement en sexologie, l'approche féministe n'en serait encore qu'à ses premiers balbutiements dans l'analyse des problématiques sexuelles de même qu'à ses premiers pas à l'intérieur de la sexologie. Nous croyons toutefois que l'approche féministe des problématiques sexuelles apporterait une vision différente, aidante et éclairante de certaines d'elles. C'est pourquoi cette étude représente pour nous une esquisse qui se voudrait une première ouverture sur l'analyse des problématiques sexologiques vues avec des lunettes autres que celles habituellement utilisées en sexologie. Nous croyons avoir amorcé une réflexion qui nous l'espérons ira en s'enrichissant. |
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